Mylène Farmer, sociologie d’une icône

« Je ne dis pas que je me suis marié avec Danielle parce qu’elle était fan, mais par contre je n’aurais pas pu rester avec quelqu’un qui n’aime pas Mylène. Enfin, je ne crois pas… », confie Patrick. « Ça a aidé, c’est certain, abonde son épouse. Au début, tu ne sais pas quoi te dire, mais nous, on avait Mylène. C’était plus simple. »

Comme l’illustre ce témoignage, recueilli par le sociologue Arnaud Alessandrin et la sémioticienne Marielle Toulze, être fan de Mylène Farmer ne se réduit pas à quelques posters dans le salon et un billet pour chaque concert. C’est un ensemble de pratiques, de valeurs et de croyances qui, à l’instar d’une religion, peut influencer la vie des adeptes jusque dans leur intimité.

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Toujours plus vite ! Jusqu’où irons-nous avant de ne plus pouvoir tenir la cadence ?

Comment une tyrannie de l’urgence et de la productivité s’est installée depuis la Révolution industrielle, et pourquoi il pourrait être temps de moins travailler ? Interview du philosophe Christophe Bouton, auteur de L’accélération de l’histoire. Cette interview est parue dans l’ADN

Christophe Bouton est philosophe, professeur à l’Université Bordeaux Montaigne, spécialiste de l’histoire et de l’expérience du temps. Il a notamment écrit L’Accélération de l’Histoire (Seuil, 2022) et Le Temps de l’urgence (BdL, 2013)

Pourquoi avons-nous de plus en plus le sentiment d’être oppressés par le temps : de devoir travailler dans l’urgence, réagir immédiatement, d’être saturés par le nombre de choses à faire…?

Christophe Bouton : Lorsque j’ai publié Le Temps de l’urgence, c’était déjà l’une des premières préoccupations des travailleurs et travailleuses. Depuis le début des années 2000, de nombreuses études – de la DARES en France, de la Fondation de Dublin à l’échelle européenne… – font état d’un mal-être croissant lié au sentiment d’être débordé, de manquer de temps, de devoir se dépêcher constamment. Le burn-out n’est que le sommet de l’iceberg. Sur le plan sociologique, Hartmut Rosa montre dans des ouvrages comme Aliénation et accélération (La Découverte, 2010) que le temps s’est effectivement compacté, le rythme de vie s’est accéléré. Nous devons accomplir de plus en plus de tâches en une journée. Dans Le culte de l’urgence (2003), la sociologue et psychologue Nicole Aubert souligne que cette intensification peut même susciter du plaisir chez certaines personnes, une montée d’adrénaline et une forme d’ivresse. Mais beaucoup d’entre nous aimeraient au contraire y résister et reprendre la maîtrise de leurs temps.

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« Les pratiques religieuses s’affirment à nouveau dans l’entreprise et surprennent les manageurs »

Depuis 20 ans et la loi 2004, le cadre est clair : toute manifestation religieuse ostentatoire est interdite à l’école publique. Au travail, en revanche, une grande marge d’interprétation est laissée aux chefs d’entreprise, voire aux manageurs. Ce qui n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes à ces derniers, comme l’explique Lionel Honoré.

Professeur des universités en sciences de gestion, directeur adjoint de l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Brest (Finistère) et fondateur de l’Observatoire du fait religieux en entreprise, Lionel Honoré a publié récemment Manager la religion au travail. Repères et outils pour gérer efficacement les faits religieux (Dunod, 2023).

Cette interview est parue dans Le Monde (abonné·es), à lire sur le site du journal

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La Servante écarlate, allégorie du totalitarisme

Le monde est en crise, la fécondité s’est effondrée. Aux États-Unis, une secte politico-religieuse prend d’assaut les institutions – Maison-Blanche, Congrès… – pour renverser le gouvernement et instaurer un régime totalitaire. C’est le point de départ de La Servante écarlate, roman dystopique de Margaret Atwood (1985) adapté en série (5 saisons depuis 2017).

Une des grandes qualités de cette œuvre est de mettre en scène « la nature profonde d’un régime totalitaire, écrit l’historien Michaël Pardon. À ce titre, il est extrêmement intéressant d’opérer un jeu de va-et-vient entre la série et les analyses percutantes de Hannah Arendt ».

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Psychologie évolutionniste, le cerveau en héritage

Fondé à la fin du 20e siècle, ce courant de pensée étudie notre psychologie à la lumière de la théorie de l’évolution de Darwin. Des comportements ayant aidé nos ancêtres préhistoriques à survivre et à se reproduire auraient été naturellement sélectionnés et seraient restés comme une seconde nature pour nous. Cette approche suscite des débats scientifiques mais aussi politiques.

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Les écrans, miroirs de nos excès

Smartphones, ordinateurs et télés ont la réputation de nuire à notre repos. Pourtant le lien reste difficile à démontrer, et les spécialistes pointent plutôt les modes de vie dont les écrans font partie.

Cet article est paru dans le dossier de Sciences Humaines sur la fatigue (n° 367, avril 2024). À retrouver en kiosque ou en ligne !

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« L’immortalité est un vieux rêve, aujourd’hui alimenté par le modèle de l’informatique »

Défier la mort, un vieux rêve, et le dernier mantra des Big Techs. Mais qu’est-ce que ce défi prométhéen soulève comme interrogations ? On a posé la question au philosophe Philippe Huneman. Cette interview est parue dans le magazine l’ADN

Philosophe des sciences et de la biologie, Philippe Huneman a récemment publié un vaste ouvrage sur la mort, ses causes, explications et justifications à travers l’histoire. Il explique en quoi les dernières découvertes de la recherche anti-âge restent malgré tout limitées.

À lire : Death. Perspectives from the Philosophy of Biology, Philippe Huneman (Palgrave Macmillan, 2023)

Comment les premiers philosophes ont adressé la question de la mort ?

Philippe Huneman : Les discours sont très clivés ! Dans l’Antiquité, Platon affirme dans un dialogue intitulé Le Phédon, que « ceux qui philosophent droitement s’exercent à mourir », comme si penser notre fin donnait un sens à notre vie. À l’inverse, les disciples d’Épicure proclament peu après que « la mort n’est rien pour nous » : si j’y pense, c’est que je suis vivant, et si j’étais décédé, je ne pourrais pas y penser ; le plus raisonnable serait donc d’y être indifférent… Le débat se poursuit même mille ans plus tard. Un philosophe comme Montaigne juge dans ses Essais que « philosopher, c’est apprendre à mourir », tandis que Spinoza estime dans L’Éthique que « L’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie ». Se positionner par rapport à notre disparition semble faire partie des grands invariants de la pensée à travers l’histoire.

Ces explications s’inscrivent dans une approche historique et plutôt classique de la mort. Quelle est l’originalité de la philosophie des sciences que vous pratiquez ?

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Un pan de voile se lève sur le quotidien au Néolithique

La découverte exceptionnelle d’un habitat daté de 3000 ans avant notre ère, dans la région des marais de Saint-Gond, en bordure du bassin parisien, va permettre d’éclairer le fonctionnement encore méconnu des sociétés néolithiques. Cet article est paru dans le Journal du CNRS

La région des marais de Saint-Gond est fouillée depuis 150 ans. ©PHOTOPQR/L’UNION DE REIMS/MAXPPP

Comment vivaient nos ancêtres 3 000 ans avant notre ère, sur le territoire de l’actuel nord de la France ? Si les nombreux monuments funéraires déjà mis au jour pour cette période avaient livré des objets, ils ne donnaient qu’une vision parcellaire du quotidien des sociétés du Néolithique récent. « Le mobilier funéraire que l’on trouve dans les tombes collectives de cette période induit un biais de compréhension », explique l’archéologue Rémi Martineau, chercheur CNRS au laboratoire Archéologie, terre, histoire, société. Les sites d’habitation manquaient pour compléter le tableau. Jusqu’à la découverte par l’archéologue et son équipe, durant l’été 2023, des premières traces d’habitations néolithiques dans la région des marais de Saint-Gond, entre Reims et Troyes. Une « découverte majeure, que j’attendais depuis plus de dix ans que je fouille dans cette région », s’enthousiasme le chercheur.

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Wonder Woman à l’assaut de l’épistémologie

Avant de créer Wonder Woman dans les années 1940, Charles Moulton était docteur en psychologie, et ses travaux sont à l’origine d’un des premiers détecteurs de mensonges. « Rien d’étonnant, donc, à ce qu’il équipe son héroïne d’un lasso magique, capable de contraindre quiconque à dire la vérité ! » relèvent les essayistes Élodie Denis et Jonas Mary. Dans les comics, ce « lasso de la vérité » permet à Wonder Woman d’arracher des aveux à n’importe qui.

Mais que se passe-t-il si la superhéroïne pose à sa victime des questions dont cette dernière ignore tout – comment l’univers est-il apparu, par exemple ? Celle-ci serait bien en peine de répondre ! Et même si elle disait ce qu’elle croit être vrai, elle pourrait se tromper. Dans l’Éthique à Nicomaque (4e siècle av. J.C.), Aristote montre qu’il y a une différence entre « parler avec sincérité », ou dire ce que l’on pense, et « énoncer une vérité », c’est-à-dire décrire les choses telles qu’elles sont.

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« Stranger Things », une philosophie de la musique

Max est une adolescente assaillie par une créature démoniaque, qui parvient à emprisonner son esprit dans une dimension parallèle. Dans le monde réel, son corps tombe inerte ; ses amis lui crient de « revenir », tout en mettant un walkman sur ses oreilles. Max entend au loin les premières notes de Running Up That Hill (1985), de Kate Bush. La mélodie ravive le souvenir des plus beaux jours de sa vie, et lui donne la force de s’arracher à l’emprise du monstre, de courir à travers un déluge d’éclairs et de météores, pour se jeter dans la brèche d’où provient la musique et ainsi sauver sa vie.

En filigrane, cette scène culte de la série américaine Stranger Things (4 saisons depuis 2016) a de forts échos psychologiques. Tout au long de la quatrième saison, le monstre symbolise la dépression et les pensées suicidaires qui rongent certains adolescents. La course effrénée de Max – la « montagne qu’elle gravira », pour reprendre les mots de Kate Bush – représente à l’inverse le fait de s’arracher à ces pulsions et de reprendre goût à la vie. La musique souligne parfaitement cette délivrance, comme souvent dans Stranger Things.

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