Alors que la loi évolue pour offrir de nouvelles protections aux animaux, fondées sur une meilleure reconnaissance de leur sensibilité et de leur intelligence, la question de leur attribuer une personnalité juridique continue de faire débat.
Coécrit avec Laure Cailloce, cet article est paru dans la revue Carnets de Science #14 (printemps – été 2023).
Puissance spirituelle, l’Église catholique est aussi à la tête d’un imposant patrimoine immobilier, évalué à 6,5 milliards d’euros pour la France. Comment l’institution gère-t-elle ses biens ? Quel avenir pour ce patrimoine en contexte sécularisé ? Le journaliste Michel Turin vient de publier une enquête sur le sujet.
La série culte Plus belle la vie s’est interrompue en novembre dernier, après avoir battu tous les records : 18 saisons, 4 666 épisodes, plus de six millions de téléspectateurs… Comment expliquer ce succès ? Outre des intrigues à quatre bandes et un suspense insoutenable, « le feuilleton s’avère pionnier dans la prise en compte de sujets considérés comme trop clivants pour la fiction française », souligne l’historienne des médias Delphine Chedaleux.
En 2022, les artistes ayant vendu le plus d’albums en France étaient tous des rappeurs : Orelsan, Ninho, Gazo, Jul ou encore Lomepal trustent le top 10, ne concédant que trois places à des artistes pop (Stromae, Angèle et Clara Luciani). Mais sont-elles valorisées comme des œuvres d’art à part entière ?
Les musiques hip-hop se sont démocratisées et gentrifiées depuis leur émergence dans les années 1980 ; plus d’une personne sur trois en écoute aujourd’hui. Pour autant, tempèrent les sociologues Karim Hammou et Marie Sonnette-Manouguian, « Le rap peut encore nourrir peurs et fantasmes, être au cœur de formes d’illégitimation artistique, culturelle ou politique. »
C’est la question posée dans le dernier dossier que j’ai dirigé pour Sciences Humaines (n° 70 – mars – avril – mai 2023), à découvrir en kiosque ou en ligne !
Nous sommes tous des homo sapiens. Mais notre ADN n’a pas manqué d’être métissé, notamment par les gènes des Néandertaliens et autres dénisoviens… Aujourd’hui, les avancées de l’épigénétique confirment à quel point les données géographiques, historiques historiques et sociales agissent sur l’expression de nos de nos gènes. Nous composons notre identité à partir de cet héritage à la fois génétique et culturel.
Qu’il soit matériel ou immatériel, l’héritage familial fait toujours l’objet de transformations. Les recettes de cuisine d’une grand-mère se retrouvent agrémentées des épices à la mode; les prénoms traditionnels laissent la place à ceux dans l’air du temps; quant aux choix politiques, les expériences personnelles remanient souvent les influences parentales. En matière de patrimoine, rien n’est simple !
Si les super-héros séduisent, c’est aussi parce que leurs aventures mettent en scène des dilemmes moraux, psychologiques ou encore politiques que nous partageons tous.
Les costumes des super-héros sont une source inépuisable d’interrogations sur l’identité : qui sommes-nous et qu’est-ce qui nous définit ? Au premier abord, ces surhommes en collants se déguisent pour dissimuler leur état civil. Mais en même temps, ces costumes font aussi partie de ce qu’ils sont. Ce serait une erreur de définir Peter Parker comme « un étudiant en sciences », et Spider-Man comme « son déguisement ». Parker est à la fois cet étudiant, l’homme araignée, et bien d’autres choses encore : un ami, un amoureux, un employé, un neveu, etc.
À l’encontre d’une tradition philosophique héritée de Platon, affirmant que l’identité ou « l’essence » se cacherait toujours au-delà des apparences, les costumes des héros suggèrent, dans le sillon de Nietzsche, qu’il n’y a que des apparences. On peut même aller plus loin : il y a parfois plus de vérité à la surface que dans les profondeurs, plus d’honnêteté dans un masque que sur un visage dénudé. Après tout, la facette « super-héroïque » de leur identité n’est-elle pas ce qui définit le mieux les super-héros ?
Difficile de décrocher dans une société qui va de plus en plus vite. Prendre des pauses est pourtant indispensable sur les plans physique et cognitif. À condition toutefois de ne pas en faire une nouvelle injonction stressante. Cet article est paru dans la nouvelle formule deSanté Magazine (n° 566, février 2023). À découvrir en kiosque ou en ligne.
Un grand merci pour leurs témoignages et leurs expertises à :
Steven Laureys neuroscientifique et notamment auteur de Cerveaugraphie (Hachette Pratique, 2022)
Alors que la suite du blockbuster de James Cameron sort sur les écrans le 14 décembre, nous avons proposé à l’anthropologue Perig Pitrou d’analyser le premier opus. Par-delà nature et culture, quelles représentations du vivant se cachent derrière le message écologique du film ? Cette interview est parue dans le Journal du CNRS.
Le film Avatar et ses fameux Na’vis, extraterrestres à la peau bleue aux prises avec des Terriens avides de conquêtes, proposait en 2009 une fable écologique devenue le plus gros succès en salles de tous les temps. Quelle conception de la vie le film met-il en scène ?
Perig Pitrou(1). La première qualité de ce film est de présenter des singularités tout à la fois biologiques et sociotechniques. D’un côté, on croise sans cesse des formes de vie inconnues – animales, végétales, humanoïdes… – dans un environnement foisonnant. On découvre l’écologie de la planète imaginaire Pandora, notamment l’existence de systèmes de communication entre différentes espèces qui ne ressemblent à rien de ce que l’on connaît sur Terre.
La diversité des formes de vie (dans le film) est un prétexte pour nous plonger dans un univers animiste, radicalement différent des schémas de pensée occidentaux.
D’un autre côté, le film montre ce que cette communication implique d’un point de vue politique et social : les espèces vivent en communion les unes avec les autres, des cavaliers humanoïdes nouent un lien éternel et organique avec leur monture, les arbres parlent aux vivants et même aux morts… La diversité des formes de vie est un prétexte pour nous plonger dans un univers animiste, radicalement différent des schémas de pensée occidentaux. L’arrivée des humains sur cette planète, sous forme de complexe militaro-industriel et prédateur, accentue encore ce contraste. Ils ne comprennent pas ce qu’ils voient et tentent d’imposer leur vision du monde
« The Fabulous Philosopher’s Stone », Carl Barks, 1955
Dans la bande dessinée La Pierre philosophale (1955), le canard le plus riche du monde découvre le trésor de Midas. D’après la mythologie grecque, cette pierre philosophale transforme tout ce qu’elle touche en or… y compris son possesseur ! Le roi Midas dut y renoncer car il ne pouvait même plus boire ni manger. Picsou commence aussi à se transformer avant d’être sauvé par ses neveux. Il regrette cependant de perdre l’occasion de changer ses plumes en or pour les revendre. Comme souvent, ce multimilliardaire incarne les dérives de la cupidité. Mais d’autres traits peuvent lui être prêtés selon les récits.
« Les histoires de Picsou présentent de manière exacerbée l’ensemble des attitudes possibles à l’égard de l’argent », relève le professeur d’économie Thierry Rogel : la cupidité mais aussi l’avarice, la prodigalité (ou dépense compulsive), l’ennui, le cynisme et le refus de l’argent. « Il s’agit là de dérives de comportements normaux, poursuit T. Rogel. En effet, désirer avoir de l’argent pour le dépenser et faire face à un imprévu est normal, le désirer pour lui-même ne l’est pas. Être économe est une vertu, avare un vice (…). Au fond, Picsou nous montre jusqu’où on ne doit pas aller. »
Avec l’arrivée de consultants d’un genre inédit, il souffle une inspiration nouvelle sur les entreprises. Leur mission : convertir manageurs et salariés en heureux disciples de Platon et de Montaigne. Cette enquête est parue dans Version Femina (n° 1077, semaine du 21 au 27 novembre 2022).
« Pour moi, le philosophe, c’était le vieux barbu sur la montagne », sourit Emiko Yamaguchi, responsable qualité, sécurité et environnement chez CVE, une société qui produit des énergies renouvelables à Marseille. Mais la consultante philosophe qu’elle contacte en 2019 n’a rien d’un ermite : Flora Bernard anime des forums et des conférences, face à des cadres parfois sceptiques, sur les grands enjeux philosophiques dans l’entreprise. Ce jour-là, elle interroge : « Suffit-il d’être vert pour être éthique ? » Et d’ailleurs, « Qu’est-ce que l’éthique ? » Les salariés débattent en petits groupes, Flora Bernard les invitant à noter leur définition. Emiko Yamaguchi est conquise. Cette expérience lui apprend que l’on peut vivre et agir, dans la vie et au travail, sans trahir ce que l’on est.
Une crise de sens
Il serait difficile, par exemple, de travailler dans une entreprise qui vante des solutions écologiques si, à la maison, on se moquait du tri ou de sa consommation énergétique… « On a besoin de cohérence », souligne Emiko Yamaguchi. « La question environnementale s’est imposée, les employés sont devenus soucieux de préserver leur vie privée et d’exercer un métier qui interroge autant le “pourquoi” que les manières de bien faire », estime le philosophe Ghislain Deslandes, auteur de À propos du management et d’un problème plus général (PUF, 2020).. Poussée par les salariés eux-mêmes, la philosophie d’entreprise a ainsi gagné en notoriété auprès des manageurs, confrontés à une crise de sens pour laquelle ils n’étaient pas formés. Comme d’autres, Emiko Yamaguchi s’est alors abonnée au site web Philonomist, consacré à une meilleure compréhension du monde du travail, avec des conférences, du conseil et un accompagnement sur mesure. Elle suit également les conférences en ligne de Julia de Funès, autrice de La Vie de bureau (J’ai lu, 2019), qui anime des débats en entreprises. Celles-ci, soucieuses de leurs responsabilités sociales et environnementales, s’interrogent de plus en plus sur le collectif ou l’art de diriger des troupes.