Archives de Catégorie: Internet

Numérique, l’invasion intérieure

Les nouvelles technologies sont mobilisées pour préserver notre bien-être, mais cette “écoute” est à double tranchant, observe le philosophe Pierre Cassou-Noguès dans La Bienveillance des machines (Seuil, 2022). Cette chronique est parue dans Management (n° 306, décembre – janvier 2023), à découvrir en kiosque ou en ligne.

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Comment sauver le pluralisme des médias ?

Le regroupement d’un grand nombre de chaînes de télévision, de radios et de titres de presse entre les mains de peu d’acteurs financiers menace l’indépendance des médias dans notre pays, alors même que des fusions sont en discussion. C’est le point de vue de l’économiste Julia Cagé, qui propose des pistes pour améliorer la santé démocratique de nos médias. Cette interview est parue dans Le Journal du CNRS

©Alexis Christiaen (Pib) / La Voix du Nord / PhotoPQR / MaxPPP

Il est aujourd’hui beaucoup question de la concentration des médias entre les mains de peu d’acteurs financiers. D’ailleurs, 250 professionnels de la presse, de la télévision et de la radio ont signé une tribune en décembre pour alerter sur le sujet (1). La situation menace-t-elle réellement la démocratie ?

Julia Cagé (2). On assiste en effet à un fort mouvement de concentration actionnariale, en particulier celle réalisée par Vincent Bolloré (actionnaire à 27 % de Vivendi, groupe français spécialisé dans les contenus, les médias et la communication, NDLR), précisément visé dans cette tribune.

Or le pluralisme des médias est un principe constitutionnel. Et le journalisme n’est pas un métier comme les autres : il a un rôle d’information et d’animation de la vie publique. C’est pourquoi des lois spécifiques ont été adoptées pour protéger son indépendance : par exemple la « clause de conscience » et la « clause de cession », qui permettent à des journalistes de quitter leur rédaction, dans de bonnes conditions, en cas de changement de ligne éditoriale ou de propriétaire de l’entreprise éditrice.

(…) en termes de parts de marché, les médias « mainstream » restent dominants. Si un journaliste se brouille avec eux (…), les options pour vivre de son métier sont vite limitées.

Votées par le Parlement français en 1935, ces dispositifs ont permis pendant des décennies de faire vivre le pluralisme. Lorsqu’un journaliste était empêché de faire son travail par sa direction — ou avait le sentiment de ne plus pouvoir y travailler librement —, il la quittait et allait le faire ailleurs. Mais ce système ne fonctionne plus si une poignée de grands patrons et d’actionnaires possèdent 90 % des entreprises d’information !

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L’attention à l’épreuve du confinement

Collés comme jamais à leurs écrans, les télétravailleurs confinés découvrent qu’ils ont du mal à se concentrer tant ils sont assaillis de sollicitations. Yves Citton, notamment auteur de Pour une écologie de l’attention (Seuil, 2014), décrypte la tendance structurelle à capter notre intérêt et explique que focaliser son attention pourrait devenir un luxe réservé à quelques-uns.

Les télétravailleurs sont confinés chez eux et néanmoins assaillis de sollicitations : mails et appels professionnels, publicités pour des divertissements, nouvelles informations tous les quarts d’heure… Même à domicile, est-il devenu impossible de se concentrer ?

Yves Citton : L’attention est devenue une ressource rare et donc cruciale pour notre époque. Nous avons accès à une quantité de sollicitations bien supérieure à ce dont nous pouvons réellement prendre connaissance. Pour cette raison, capter notre intérêt est devenu l’enjeu d’une compétition féroce entre des acteurs économiques, politiques ou encore culturels. Ce n’est pas totalement nouveau : dans l’Antiquité, la rhétorique avait pour objet d’apprendre à capter, soutenir et ravir l’attention des juges ou des peuples assemblés sur l’agora. Mais cela se passait sur la place publique, les espaces domestiques étaient relativement préservés. Aujourd’hui, les nouveaux médias envahissent les domiciles et nous sollicitent constamment…

Comment font ces acteurs économiques pour détourner notre attention ?

YC : Chez soi, dans la rue ou ailleurs encore, nous évoluons désormais dans un environnement qui est comme truffé d’alarmes en tout genre, que j’appelle aussi des « saillances » : c’est quelque chose qu’il vous est impossible de ne pas remarquer…

Cette interview est parue sur Philonomist. Pour lire la suite, rendez-vous sur le site, profitez de 7 jours gratuits sans engagement ou abonnez-vous.

 

Yves Citton est professeur de littérature à l’université Paris-8 et codirecteur de la revue Multitudes. Il est notamment l’auteur de Pour une écologie de l’attention (Seuil, 2014) et, dernièrement, de Générations collapsonautes (Seuil, 2020), écrit en collaboration avec Jacopo Rasmi. Photo © Bertrand Gaudillère / Item

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IA et management : tout ce qui va changer (ou pas…)

Le magazine Management consacre son dossier de mars (n° 282) à l’intelligence artificielle, source de bouleversements dans les entreprises, mais aussi de fantasme voire de bullshitRendez-vous sur le site de Prisma pour le télécharger ! J’ai eu le plaisir d’y écrire trois articles que j’espère complémentaires :

  • Dans « Nouveaux business et nouveaux métiers », j’ai essayé de savoir ce que l’IA pouvait réellement changer dans notre façon de travailler, à court et moyen terme, sans se projeter sur de trop nombreuses années.
  • À mi parcours, je vous recommande trois œuvres de science-fiction sur les robots et l’IA.
  • En fin de dossier, je fais un point sur les limites de cette « intelligence superficielle », au-delà des effets d’annonce et des buzz.

Un grand merci aux spécialistes qui ont pris le temps de me répondre, notamment Renaud Champion, directeur du pôle « Nouvelles intelligences » à à l’Artificial Intelligence in Management Institute, de l’EM Lyon Business School, et Jean-Claude Heudin, ancien chercheur, auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation. À lire également : Des robots et des hommes : mythes, fantasmes et réalité, de Laurence Devillers (Plon, 2017), et L’intelligence artificielle n’existe pas, de Luc Julia (First éd., 2019).

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« Le Vortex », la coloc’ des vulgarisateurs scientifiques

Portée par un collectif de vidéastes réunis autour de Léo Grasset (DirtyBiology), Le Vortex, la nouvelle chaîne Youtube d’ARTE dédiée à la vulgarisation scientifique, joue la carte de la transdisciplinarité. En toute convivialité.

L’invention de l’agriculture a-t-elle amélioré la condition humaine ? « Pas du tout !« , objecte Léo Grasset, qui anime sur Youtube la chaîne DirtyBiology. Diplômée en archéologie, Clothilde Chamussy, aux manettes, elle, de Passé Sauvage, renchérit : « Les chasseurs-cueilleurs du paléolithique vivaient mieux que les agriculteurs, ils travaillaient moins tout en ayant accès à d’abondantes ressources. » Dans la première vidéo disponible sur Le Vortex, la nouvelle chaîne Youtube coproduite par ARTE France et Nerd Entertainment System, ces deux vedettes de la vulgarisation scientifique sur le Net ébranlent des idées reçues. Le technophile Roni (de la chaîne Pause Process), et l’ingénieure en génie mécanique Viviane Lalande (de Scilabus) font également partie du collectif de quatre youtubeurs réunis pour cette première saison. « Nous tenons autant à la transdisciplinarité qu’à la parité homme-femme« , souligne Léo Grasset, qui a mûri le projet pendant deux ans. Lire la suite

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Le Smartphone, poison ou remède ?

Dans son essai Le Troisième Cerveau, Pierre-Marc de Biasi, directeur de recherche émérite au CNRS, alerte sur la relation de dépendance que nous entretenons avec le Smartphone, outil « intrusif, injonctif et addictif ». Cette interview est parue dans Le Journal du CNRS.

Neuf utilisateurs sur dix ne sortent jamais sans leur Smartphone et le consultent près de 100 fois par jours. © Sirinapa Wannapat / EyeEm/GETTY IMAGES

 

Vous avez dirigé l’Institut des textes et manuscrits modernes. Comment en êtes-vous venu à travailler sur les Smartphones ?
Pierre-Marc de Biasi : En étudiant les archives de la création, on s’intéresse forcément aux supports de la communication et aux conditions concrètes de la transmission, aux interrelations entre technique et culture : ce que Régis Debray a appelé la « médiologie ». Comment se désintéresser d’un médium qui véhicule aujourd’hui l’essentiel de ces interactions ? Neuf utilisateurs sur dix ne sortent jamais sans leur Smartphone et le consulte près de cent fois par jour ; un tiers admet être en situation de dépendance. Début 2018, dans la revue Médium j’avais évoqué les analogies entre le Smartphone et le silex paléolithique : taillé pour la main, c’est un outil qui nous dote de superpouvoirs et nous rend de plus en plus puissants dans la maîtrise de notre environnement. Mais l’asymétrie de notre relation au Smartphone nous conduit tout droit à ce que Hegel appelait la dialectique du maître et de l’esclave. Pour le moment, nous sommes les maîtres, et les Smartphones sont nos esclaves. Plus nous déléguons de tâches à cet outil, plus il devient compétent pour satisfaire et anticiper nos désirs, et plus nous devenons dépendants de lui : le petit serviteur zélé finira par se faire le maître de ses maîtres. J’ai eu envie d’approfondir cette réflexion en me donnant l’espace d’un essai. Il n’y avait pas de livre sur le sujet.

Vous attaquez fort ! Concrètement, quelles utilisations pourraient avoir tendance à nous asservir ?
P.-M. de B. : Demandez-vous simplement : dans cinq ans qui sera encore capable de lire une carte ou de s’orienter sans la géolocalisation de son Smartphone ? Lire la suite

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Réseaux sociaux : gare à l’intox !

Les informations fausses ou invérifiables prolifèrent sur les réseaux sociaux, amplifiées par des communautés qui les diffusent en un clic. La technologie est-elle en train de bouleverser notre rapport à la vérité, ou s’agit-il d’une simple mise à jour 2.0 de techniques traditionnelles de propagande ?

© Kaspersky Lab

 Cet article est paru dans Les Grands Dossiers de Sciences Humaines (n°47 – juin-juillet-août 2017).

« Une ministre veut faire de la France un pays musulman », « Barack Obama n’avait pas le droit de devenir président des États-Unis puisqu’il est né au Kenya », « une marque de Cassoulet vend des conserves sans porc pour financer le culte islamique »… Ces trois informations totalement fausses ont été massivement relayées sur les réseaux sociaux, comme l’a notamment relevé l’équipe des Décodeurs du Monde. Campagne électorale oblige, des intox en série prolifèrent sur Internet et résistent parfois même aux démentis les plus rigoureux. « La réalité des faits compte moins que les convictions ou les émotions », résume l’Oxford Dictionary dans sa définition de la « postvérité », mot de l’année 2016. Mais est-ce vraiment nouveau ? Le Web encourage-t-il la propagation des rumeurs et des intox, ou s’agit-il d’une simple mise à jour 2.0 de techniques traditionnelles de propagande ? Une série d’études présentées dans la revue Nature penchent pour la première option : « Le développement de fausses informations en ligne, comme celles dont les sites de fake news ont encore récemment fait leurs choux gras, peuvent distordre les mémoires individuelle et collective de façon troublante », estime Daniel Schacter, professeur en psychologie à l’université de Harvard.

Se souvenir de ce dont on ne se souvient pas

Pour comprendre la spécificité des réseaux sociaux, il faut d’abord revenir sur quelques fondamentaux en psychologie de la mémoire. Lorsque différentes personnes ont assisté à un événement ou disposent de mêmes informations, leurs interactions peuvent modifier le souvenir qu’elles en gardent. Quand un groupe d’amis évoquent des vacances passées ensemble par exemple, les épisodes les plus racontés prennent de l’importance, tandis que ceux passés sous silence ont tendance à s’effacer. Ce processus dit de « mémoire convergente » crée une faille croissante entre ce qui s’est réellement passé et la représentation que l’on s’en fait. Rien de bien grave jusque-là ; les problèmes commencent lorsque l’on admet de faux souvenirs pour se conformer à ceux du groupe, comme l’établit une étude dirigée par Micah G. Edelson, à l’époque chercheur en psychologie à l’Institut Weizmann. Lire la suite

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Données sensibles : faut-il avoir peur du cloud ?

Pour stocker leurs données en ligne, les entrepreneurs français s’en remettent le plus souvent aux géants américains… Au risque de se faire piquer leurs idées ou leurs brevets. Cet article est paru dans un hors série de Management (n°19,  27 octobre 2016)

© Jacky Leung/Getty Images

© Jacky Leung/Getty Images

Partage de documents, messagerie, carnet d’adresses et agenda accessibles aux quatre coins du monde sur n’importe quel appareil… Quelle aubaine ! A l’heure du télétravail à tout crin et de la mondialisation, les services de cloud sont d’autant plus tentants qu’ils sont gratuits ou peu coûteux. Mais cette tentation a un revers pour les entrepreneurs, et pas seulement en terme de publicité ciblée. «Un confrère ingénieur avait déposé son brevet sur un service américain de stockage de fichiers en ligne en vue de lancer une start-up, raconte Damien Gossard, cofondateur de WiggWam, une solution de service du cloud souverain. Quelques semaines plus tard, il s’est aperçu qu’une société américaine lançait exactement le même produit !» Si le vol de données est impossible à prouver, difficile de croire à une simple coïncidence… «Un État ou une entreprise peuvent être tentés de favoriser des acteurs locaux», insiste Damien Gossard, rappelant une réalité bien connue sous le nom d’espionnage industriel entre pays, même alliés. De fait, les géants du cloud – comme Google, Apple, Amazon  ou encore DropBox – sont tous basés aux États-Unis, où la législation permet de collecter presque sans limite des données confidentielles ou concurrentielles.

«Quand je rencontre des entrepreneurs de l’innovation qui n’hésitent pas à stocker toutes leurs données sensibles sur des serveurs basés en Californie, donc soumis au droit californien, poursuit l’entrepreneur, je suis quelque peu atterré…» C’est ce qui l’a poussé à proposer exactement les mêmes services, mais en hébergeant toutes les données en France – d’où l’expression de «cloud souverain». Lire la suite

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« Comprendre comment la haine se propage nous aidera à la combattre »

Professeure en sciences de l’éducation et présidente de l’Observatoire international de la violence à l’école, Catherine Blaya pilote une grande enquête sur la propagande et la violence en ligne, afin de mieux comprendre leurs effets sur les jeunes. Cette interview est parue sur Le Journal du CNRS.

CC  @joebehr sur Flickr

CC @joebehr sur Flickr

Des études ont-elles déjà mesuré l’impact des contenus haineux sur Internet ?
Catherine Blaya : Plusieurs travaux ont montré que les jeunes y étaient de plus en plus exposés. Le rapport européen « Net Child Go Mobile » pointe une forte augmentation de toute une série de pratiques entre 2010 et 2014 : insulte ou harcèlement en ligne, exposition à des images violentes, à des messages haineux ou discriminatoires. Une autre étude finlandaise a récemment révélé que 67 % des internautes avaient été exposés à des contenus haineux en ligne, liés au physique, à l’identité sexuelle, à la religion ou encore la couleur de peau. En revanche, il n’y a pas vraiment eu d’enquête sur l’impact de ces contenus sur les jeunes : comment le vivent-ils ? Cela les conduit-il à cautionner ce type de messages, voire à adhérer à ou adopter des idées ou des comportements violents ? C’est ce que nous souhaitons vérifier, préciser ou nuancer, suite à l’appel à projet « Attentats-recherche » du CNRS. Pour cela, nous conduisons une large enquête sur les 11-18 ans, en ciblant spécifiquement ce qui relève du racisme, de l’antisémitisme, de l’islamophobie et de la xénophobie.

Mais un tel processus, qu’on pourrait dire « de radicalisation en ligne », n’est-il pas clairement établi ?
C. B. : Notre recherche ne s’intéresse pas exactement à la radicalisation, mais à l’implication des jeunes dans la cyber-haine et à ses conséquences en termes d’adhésion à des idées ou attitudes violentes, voire extrémistes. La « radicalisation » est un concept flou, multiforme, qui n’est pas défini de façon précise, et un lien avec la prolifération de contenus haineux en ligne n’est pas non plus scientifiquement prouvé. Lire la suite

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Quand le numérique se met au service de l’associatif

Mordus d’internet, experts en informatique ou geek patentés, de plus en plus de passionnés du clavier mettent leur talent au service des autres. Après le passage du dévastateur typhon Haiyan, aux Philippines, des amateurs de géolocalisation ont créé une carte collaborative pour aider les ONG et la Croix Rouge à baliser le terrain. Pendant les attentats du Bataclan, des twittos influents ont lancé une opération portes ouvertes pour que tout un chacun puisse héberger des personnes en difficulté. Au-delà de ces initiatives individuelles, de plus en plus d’entrepreneurs, d’acteurs de l’économie sociale et solidaire et de militants créent des structures d’entraide, permettant de conjuguer outils numériques et bien public. Trois d’entre eux partagent leur témoignage.

Cet article est paru dans Version Femina (n° 758, semaine du 10 au 16 octobre 2016). Un grand merci à Raphaëlle Menajovsky, fondatrice de la plateforme d’entraide Webassoc, Cyrille Tassard, « créateur de vidéos solidaires » sur InFocus, et Nesrine Dani, responsable du programme Solidatech pour les Ateliers du Bocage et le mouvement Emmaüs. Merci également à Bastien Engelbach, chargé de mission à la Fonda, pour son analyse.

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