Archives de Catégorie: Pop culture

Le punk, un art de vivre

Cette chronique est parue dans Sciences Humaines (n° 351 – octobre 2022). À lire pour aller plus loin : Penser avec le punk, de Catherine Guesde (PUF, 2022). À corps et à cris. Sociologie des punks français, de Pierig Humeau (CNRS, 2021), et Riot Grrrls. Chronique d’une révolution punk féministe, de Manon Labry (La Découverte, 2016).

« Punk is dead », « le punk est mort », chante le groupe anglais Crass dès 1978. À peine né, ce rock anarchique et antisystème se serait perdu en devenant un produit de consommation courante, récupéré par les majors de l’industrie musicale et les fabricants de goodies – t-shirts à l’effigie des groupes, jeans prédécoupés, mugs… La chaîne de télévision CBS promeut le groupe The Clash, insiste Crass. « Mais pas pour la révolution, juste pour le cash. »

Aux yeux des pionniers et des irréductibles, expliquent la philosophe Catherine Guesde et le sociologue Fabien Hein, le punk incarne une manière de vivre et un ensemble de valeurs. Cette éthique est le plus souvent résumée en un principe élémentaire : « Fais-le toi-même » ou « Do it yourself » (DIY) en anglais. Autrement dit, le punk est fondamentalement une incitation à agir et à créer, à s’exprimer sans demander d’autorisation, et à faire de l’art même quand on n’y connaît rien. C’est monter sur une scène, prendre un instrument ou un micro, et advienne que pourra.

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Les formes élémentaires de la boxe

Cet article est paru dans la rubrique « l’image du mois » de Sciences Humaines (n° 351 – octobre 2022). À lire pour aller plus loin : Voyage au pays des boxeurs, textes et photographies de Loïc Wacquant, La Découverte, 2022.

Dans son essai Les Jeux et les Hommes (1958), le sociologue Roger Caillois identifie quatre grands types de jeu. Certains impliquent de la compétition (« agôn », dans la classification de R. Caillois), à l’image des tournois d’échecs ou des courses en tous genres. D’autres dépendent principalement de la chance (« alea »), comme la loterie ou certains jeux de cartes. La troisième catégorie englobe les imitations et les arts du spectacle (« mimicry ») ; cela va de jeux de rôles élémentaires – « on dirait que je serais policier » – au jeu vidéo. La dernière forme de divertissement témoigne avant tout d’une recherche de vertige (« ilinx »), par exemple quand des enfants se poursuivent ou tournent rapidement sur eux-mêmes avant d’essayer de courir en ligne droite. Dans un beau livre en forme de Voyage au pays des boxeurs, le sociologue et pugiliste amateur Loïc Wacquant reprend cette classification pour montrer que la boxe illustre les quatre catégories à la fois.

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Tu «mème » ?

Cette chronique est parue dans Sciences Humaines (n°350 – août – septembre 2022). À lire pour aller plus loin : Est-ce que tu mèmes ? De la parodie à la pandémie numérique, François Jost (CNRS, 2022) et Mèmologie. Théorie postdigitale des mèmes, Albin Wagener (UGA, 2022).

© KC GREEN

Deux cases de bande dessinée ont fait le tour du monde. Un chien coiffé d’un chapeau prend le thé dans une pièce en flammes. La situation est apocalyptique, mais il a l’air serein. « Tout va bien » (« this is fine »), confirme-t-il en souriant. L’image a été reprise des milliers de fois sur Internet, en étant agrémentée d’autant de commentaires : « moi quand je fais le point sur ma vie », « quand je commence à réviser la veille de l’examen », « quand on me demande comment ça se passe au boulot », etc.

C’est ce qu’on appelle un « mème », une image utilisée par des internautes pour exprimer quelque chose de façon condensée et souvent humoristique. Les clichés sont identiques au départ, mais chacun modifie un détail – une ligne de texte, un élément du décor ou encore un personnage… – pour en faire quelque chose d’unique. Cette pratique était réservée aux geeks puis s’est démocratisée. Des politiques de premier plan s’y mettent, sénateurs ou députés ; des publicitaires s’en inspirent pour concevoir leurs affiches, etc. Du côté de la recherche, les sciences du langage s’y intéressent aussi.

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« Squid Game », le jeu de la mort

Cette chronique est parue dans Sciences Humaines (n°349 – juillet 2022). À lire pour aller plus loin : La Psychologie selon Squid Game, Jean-François Marmion (éd. de l’Opportun, mars 2022)

Dans cette série coréenne, des centaines de personnes endettées voire ruinées sont invitées à une compétition illégale pour tenter de gagner 45,6 milliards de wons (environ 32 millions d’euros). Chaque épreuve est littéralement un jeu d’enfant, parfois connu en Occident comme « 1, 2, 3… soleil », et parfois propre à la culture coréenne : le « squid game », ou « jeu du calamar », est ainsi un étonnant mélange de marelle et de rugby. Le hic, c’est que les règles de tous ces jeux sont aménagées pour que les perdants soient fusillés, écrabouillés ou encore déchiquetés. Ils peuvent même s’entretuer entre deux épreuves pour éliminer des rivaux. Les joueurs forment des alliances, certains se trahissent, d’autres se retrouvent malgré eux dans des duels à mort. À la fin, seuls les survivants se partageront la récompense.

Et vous, que feriez-vous ? Si l’on en croit Jean-François Marmion, auteur d’un essai sur La Psychologie selon Squid Game et collaborateur de Sciences Humaines, vous tueriez comme tout le monde ! Tant cette compétition pousse à commettre « l’irréparable à petits pas ». « Les jeux sont organisés pour favoriser cette gradation irréversible des actes violents, et parfois meurtriers, dont les auteurs ne se seraient pas crus capables. » D’abord on court pour sauver sa peau, puis on gagne en sachant que les perdants seront exécutés ; de fil en aiguille, on finit par tuer pour ne pas être tué – et peut-être même par envie d’empocher la récompense, histoire de ne pas avoir traversé ces horreurs pour rien.

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Classé dans Pop culture, Psychologie

Littérature : le futur entre les lignes

De la révolte des robots aux apocalypses climatiques, la science-fiction imagine les conséquences de nos actions et de nos choix de société dans un futur souvent inquiétant. Elle participe ainsi aux débats sur le monde d’aujourd’hui.

Cet article est paru dans Carnets de science, la revue du CNRS (n° 12), à retrouver, en kiosque, en librairie ou en ligne ! Merci aux spécialistes de SF pour leurs éclairages et conseils de lecture :

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Barbie est-elle féministe ?

Cette chronique est parue dans Sciences Humaines (n°348 – juin 2022). À lire pour aller plus loin : Le féminisme pop. La défaillance de nos étoiles, de Sandrine Galand (éd. du remue-ménage, 2021)

Au premier regard la réponse serait « non ». Avec ses mensurations aberrantes et sa dégaine de princesse slave, la célèbre poupée mannequin véhiculerait des clichés sexistes. Pourtant cette icône avait une vocation émancipatrice aux yeux de sa créatrice Ruth Handler. Le premier modèle de 1959 incarne une adulte indépendante, devenue astronaute dès 1965, candidate à la présidentielle américaine de 1992, ou encore ingénieure en robotique en 2018. Sa morphologie aussi s’est diversifiée, mais reste proche de canons de beauté artificiels. Qu’en penser au final ?

Le 12 mai, Mattel annonçait la création de sa première poupée équipée de prothèses auditives (3e en partant de la gauche) et d’un Ken atteint de vitiligo (4e).

Le procès de Barbie est plus généralement celui du « féminisme pop », analyse Sandrine Galand, docteure en études littéraires de l’université du Québec à Montréal, qui vient de publier un essai sur le sujet. Barbie serait un archétype des pop féministes d’aujourd’hui, actives dans les films, les séries ou encore la musique. De Buffy contre les vampires à Miley Cyrus, ces icônes revendiquent leur émancipation tout en assumant une apparence glamour et hypersexualisée, se faisant cheffes de file d’un « girl power » mondialisé. Cette posture ambiguë suscite de vives critiques d’intellectuelles féministes, note S. Galand, qui confesse être elle-même passée par tous les stades.

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La pop coréenne, arme de séduction massive

Cette chronique est parue dans Sciences Humaines (n° 347, mai 2022). À lire pour aller plus loin : K-pop. Soft power et culture globale, Vincenzo Cicchelli et Sylvie Octobre (PUF, 2022).

Connaissez-vous BTS ? Ce boy’s band coréen est l’un des groupes de musique les plus suivis au monde. L’année dernière, la vidéo de leur dernier single, Butter, a été vue 108,2 millions de fois sur Youtube en 24 heures, un record inégalé depuis. La pop coréenne ou « K-pop » représente « un raz de marée dont BTS est la crête, estiment les sociologues Vincenzo Cicchelli et Sylvie Octobre. La K-pop, à son tour, n’est elle-même que la partie la plus visible d’un ensemble de produits coréens qui rencontrent un large succès à l’étranger. » On appelle « hallyu » cette vague de musique, séries et films, jeux vidéo et goodies, qui déferle partout depuis une vingtaine d’années. « C’est bien le pays du Matin calme qui est devenu l’alternative la plus crédible au magistère régional du Japon et à celui global des États-Unis, en matière de visions du monde. »

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Western : le crépuscule des idoles

Cette chronique est parue dans Sciences Humaines (n° 346, avril 2022). À lire pour aller plus loin : Philosophie politique du western. Les ambiguïtés du mythe américain, Robert B. Pippin (Cerf, 2021).

À la fin du 19e siècle, Shinbone est une bourgade animée de l’Ouest américain. L’ambiance des saloons est égayée de bagarres et de rires gras, les échoppes improvisées bondées de clients ; les truands mènent la grande vie. Une vingtaine d’années plus tard, en 1910, tout a disparu. La loi et l’ordre règnent ; les rues sont propres et fonctionnelles, mais froides et désertes… En réalité, Shinbone n’existe pas ; c’est une ville fictive, inventée par le cinéaste John Ford dans L’homme qui tua Liberty Valance (1962). Ce western met en scène cette localité à deux époques différentes pour montrer et critiquer son évolution. En filigrane, il reflète l’histoire des États-Unis.

Un mode de vie anarchique, mais épique et vivant, aurait été emporté par les vents de la modernité… Cette évolution renvoie à une question classique en philosophie politique : comment l’humanité est-elle passée d’un « état de nature » sans foi ni loi à une société civile, reconnaissant à chacun des droits et des devoirs ? Les westerns du genre crépusculaire vont cependant plus loin, renchérit le philosophe Robert Pippin. Ils mettent en question la prétendue réussite de la modernité.

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Parlez-vous le dothraki ?

Cette chronique est parue dans Sciences Humaines (n° 345, mars 2022). À lire pour aller plus loin : Le Trône de fer et les sciences (collectif), Belin, 2021.

Retrouvez notre live sur Twitch consacré aux langues fictives

Saga romanesque adaptée en série télé, Game of Thrones fourmille de langues inventées dans un univers médiéval fantastique : le dothraki, le haut valyrien et les dialectes qui en découlent, des argots spécifiques à des quartiers, des corporations ou encore des classes sociales, etc. Au fil des pages, des dizaines de variations dialectales sont évoquées. L’auteur, George R. R. Martin, n’entre pas dans le détail de leur grammaire ou de leur phonologie ; seules quelques expressions sont distillées pour éveiller notre sens de l’exotisme et du merveilleux. La crédibilité de ces idiomes repose davantage sur leur histoire.

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Rocky, la revanche du blanc

Cette chronique est parue dans Sciences Humaines (n° 344, février 2022)

Le 4 juillet 1910 aux États-Unis, le boxeur James Jeffries enfile les gants face à Jack Johnson, « dans le seul but de prouver qu’un homme blanc est meilleur qu’un Nègre ». Mais « le grand espoir blanc », comme le surnomment ses fans, prend une raclée, tandis que J. Johnson, enfant d’anciens esclaves et né dans l’extrême pauvreté, devient le premier Noir sacré champion du monde catégorie « poids lourds » de l’histoire de la boxe. Cette consécration était interdite aux Afro-Américains jusque-là. Beaucoup ne se priveront plus de truster le podium par la suite, comme Mohamed Ali dans les années 1960-1970, ou plus près de nous « Iron » Mike Tyson.

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