Mariage gay : « la guerre scolaire » est-elle en marche ?

Le ministre de l’éducation Vincent Peillon est accusé de raviver « la guerre scolaire », un conflit historique entre l’école publique et l’enseignement religieux.

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Le Ministre de l'Education Vincent Peillon © CHESNOT / SIPA

Le Ministre de l’Education Vincent Peillon © CHESNOT / SIPA

Neutralité : c’est le maître mot du ministre de l’éducation Vincent Peillon, accusé par l’opposition de vouloir relancer « la guerre scolaire ». Interrogé sur RTL, il a indiqué que des cas de prosélytisme lui avaient été signalés dans un certain nombre d’académies, s’agissant de l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Il a appelé vendredi les recteurs à « la plus grande vigilance », notamment dans les écoles privées.

Le secrétaire général de l’enseignement catholique, Eric de Labarre, avait demandé début décembre aux établissements d’organiser des débats sur le sujet. M. Peillon a qualifié cette initiative de « faute » et de  » maladresse ». La présidente du Parti chrétien-démocrate, Christine Boutin, a aussitôt accusé M. Peillon de duplicité. En témoigne, selon elle, une vidéo de la porte-parole du gouvernement : Najat Vallaud-Belkacem s’était rendue dans une école publique, à l’invitation d’une association de lutte contre l’homophobie. Filmée par BFMTV, elle a répondu à un élève, qui l’interrogeait sur le mariage gay : « Ça va permettre plus d’épanouissement, plus de liberté, plus d’égalité dans la société. Il faut comprendre ça comme une avancée. »

Pour l’opposition, c’est une atteinte au principe de neutralité et une étincelle qui rallumerait « la guerre scolaire » entre le public et le privé. « L’expression date du début du XXe siècle, époque de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat », explique Bruno Poucet, professeur à l’université de Picardie Jules-Verne et auteur de L’Enseignement privé en France (PUF), sur Francetvinfo. « On l’a aussi évoquée dans les années 1920, mais dans l’histoire récente, cela recouvre d’abord la période 1982-1984. » Le ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Alain Savary, avait présenté un projet de loi pour rapprocher les écoles privées et publiques.

Pour les opposants, c’est une atteinte à la liberté d’enseignement, notamment dans les établissements à caractère confessionnel. Bruno Poucet estime cependant que la « guerre scolaire » est devenue une formule fourre-tout, qui revient dès qu’une polémique concerne l’enseignement privé. Rétroactivement, elle renvoie aux grands débats de la fin du XIXe siècle entre les républicains et les religieux. Comme le résume France Culture, les partisans de l’école laïque se heurtent fréquemment aux défenseurs d’un enseignement confessionnel à l’école. En témoigne l’antagonisme — récurrent dans la culture française, dans l’œuvre de Marcel Pagnol notamment — de l’instituteur épris de progrès et du curé attaché aux textes sacrés.

Pour le site Atlantico, la lutte a commencé dès 1789. L’éducation passe sous la responsabilité de l’État, tandis que l’Église redoute une diffusion de la pensée des Lumières. Bon gré mal gré, une instruction morale et religieuse est tout de même maintenue. La Loi Falloux, promulguée le 15 mars 1850, laisse encore une place importante à la liberté de l’enseignement confessionnel. Ce n’est que lorsque l’école devient laïque et l’instruction obligatoire, au début du XXe siècle, que la religion quitte définitivement la salle de classe. Aujourd’hui, les établissements privés peuvent organiser, par exemple, des activités de catéchèse, mais sur d’autres créneaux. Dans ce cadre non contraint, estime Bruno Poucet, la discussion « peut avoir lieu », y compris sur la réforme du mariage.

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