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Elle ne voyait pas le mal, son employeur si. Véronique Bonazzola, assistante d’éducation au collège catholique Notre-Dame de la Tramontane, à Juan-les-Pins (Alpes Maritimes), a été licenciée après avoir joué une femme « cougar » dans un clip de rap, une quinquagénaire sexy et lascive dans les bras d’un jeune homme de 26 ans :
Actrice occasionnelle, elle a provoqué l’ire du directeur d’établissement. « Il a vu un soutien-gorge dans un jacuzzi aspergé de champagne et il s’est arrêté là « , ironise l’avocat de Véronique Bonazzola, Me Pierre Chami. La direction, elle, juge cette vidéo « incompatible au regard de la nature du travail de cette personne et du règlement intérieur ». L’affaire a été révélée par le quotidien régional Nice matin. Début avril, un élève remarque la vidéo sur internet et poste ce commentaire : « La brune c’est pas ma prof de perm ? » Le clip buzze jusqu’à approcher aujourd’hui la barre des 300 000 vues sur YouTube.
Entre-temps, des parents se plaignent et exigent que leurs enfants ne soient plus en contact avec cette assistante d’éducation. Elle défend sa démarche : suite à un cancer du sein, » on m’a amputée d’une partie de ma féminité, explique-t-elle. J’ai mis du temps à la retrouver. Alors quand on m’a proposé de tourner dans cette vidéo je me suis dit : Tu vas être belle ! » En outre, le clip a été conçu pour des heures de grande écoute, » je n’y suis pas plus dénudée que lorsque je vais à la plage. »
Le tribunal des Prud’hommes devra se prononcer en juin. D’après la jurisprudence, « il ne peut être procédé à un licenciement pour une cause tirée de la vie privée du salarié que si le comportement de celui-ci, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière ». C’est aussi une question de jugement moral : l’établissement et les parents condamnent un acte que Véronique Bonazzola décrit comme une résurrection de sa féminité.
« Ce n’est pas en la licenciant – de manière brutale et bien peu christique au passage – qu’on peut évacuer un fait de société », poursuit son avocat. Exposer sa vie privée sur internet pose un problème, notamment aux structures éducatives et au monde du travail. » Puis-je interdire aux professeurs d’y faire ce qu’ils croient juste ? », demande Éric Delcroix, expert en e-réputation. « Et si leurs amis parlent d’eux sur les réseaux sociaux, qu’ils révèlent des convictions ou des pratiques qui vont à l’encontre des principes de l’établissement, les élèves y ont accès de la même façon… Qui est responsable ? »
Spécialiste de l’éducation numérique, il remarque que les sanctions ont été prises par des adultes et s’interroge sur la réaction des élèves. « Peut-être qu’eux n’ont pas vu le mal. Les jeunes utilisent de plus en plus la vidéo sur le web. Ils font généralement mieux que les adultes le distinguo entre ce qu’on fait pour s’amuser et ce qui relève de la vie professionnelle. » Dans quelques années d’ailleurs, certains deviendront peut-être professeur après avoir publié des milliers de données à caractère privé sur le web.