La Toile s’empare de l’ange noir. Disparition d’un proche ou d’un « people » : les sites d’hommage et les lieux de culte virtuels prolifèrent sur les réseaux sociaux et les serveurs. Revue de Web.
« Bonjour Monsieur. Après son départ, Loïc a souhaité vous laisser un message et vous léguer du contenu. Un espace spécialement conçu pour la réception des données a été créé pour vous. Nous vous conseillons de prendre le temps et de choisir le moment opportun pour vous connecter. » C’est le message type du site La vie d’après, un service de transmission sur le Web destiné aux proches de défunts.
« On trouvait dommage que le numérique ne permette pas de conserver ces souvenirs », résume Vincent Lappartient, cofondateur du site. Photos, vidéos, messages personnels… Tout est stocké et transmis après le décès de l’internaute. « Chacun met ce qu’il veut et décide qui parmi ses contacts pourra y accéder », poursuit le jeune entrepreneur.
Transmettre un héritage et honorer la mémoire
Beaucoup ont flairé le filon : Je suis mort, Le cimetière, Net-Obseques, Foruforever, Masaga… Autant de sites destinés à publier un avis de décès, transmettre un héritage virtuel, honorer la mémoire d’un proche ou d’une célébrité. « J’en ai eu l’idée en assistant à la dispersion des cendres après une crémation, se souvient Éric Fauveau, fondateur du site Mémoires des vies. J’ai pensé aux absents qui ne pourraient pas se recueillir sur une tombe en un lieu où reposerait leur ami défunt. »
En outre, chacun laisse désormais des pans entiers de sa vie sur le Web, et rien n’existe, au plan juridique, pour transmettre ces données aux héritiers. « Les hébergeurs n’ont aucune obligation légale de les restituer », rappelle Alain Bensoussan, directeur d’un cabinet d’avocats spécialisé dans les nouvelles technologies.
La résurgence de « pulsions archaïques »
Partout présente, la mort se détourne de sa dure réalité pour envahir l’univers virtuel. Un site comme The suicide machine propose de « tuer » l’identité Web d’un internaute en supprimant tous ses profils des réseaux sociaux. Plus contestables : The death clock prétend calculer la date de votre décès (à prendre avec des pincettes bien sûr), tandis que Ils vont bientôt mourir offre de parier sur le jour où mourront les célébrités.
« On voit resurgir des pulsions archaïques qu’on croyait éteintes », estime le psychiatre et psychanalyste Didier Cremniter. D’après lui, les instances traditionnelles du culte des morts (cérémonies, cimetières, présence des proches autour du défunt) sont remplacées par une multitude de comportements qui se construisent au hasard, cherchant à reconstituer une organisation et des valeurs autour de la mort.
Le Web, un exutoire prisé
« Dans un monde de plus en plus éclaté, où les figures de référence ne font plus autorité, chacun cherche à exprimer cette pulsion fondamentale autrement », explique Didier Cremniter. Et le Web offre un exutoire : d’après les statistiques de Google, le nombre de recherches sur la mort a presque doublé depuis 2004. Le pic a été atteint lors du décès de Michael Jackson en juin 2009. Les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter avaient alors été saturés de messages d’hommage au chanteur de Billie Jean.