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C’est la première bande dessinée consacrée à la vie d’un philosophe. Michel Onfray et le dessinateur Maximilien le Roy adaptent la biographie de Nietzsche en un tome paru vendredi 19 mars aux éditions Le Lombard (128 pages, 19 €). À mi chemin entre l’histoire et la légende, l’académique et le symbolique, cet ovni culturel raconte une existence dépeinte dans un script que Michel Onfray destinait au cinéma, L’innocence du devenir (Galilée, 2008). Ce texte a inspiré Maximilien Le Roy, qui nourrissait le projet de dessiner quelque chose autour de l’oeuvre de Nietzsche. Il envoya ses premières planches au fondateur de l’université populaire de Caen. Ce dernier, séduit par ces esquisses et soucieux de « faire descendre la philosophie dans la rue », a donné son accord pour un album.
Les auteurs privilégient les moments forts de la biographie : la découverte de Schopenhauer dans une boutique de Leipzig, une visite chez les Wagner à Tribschen, la prise d’une photo aujourd’hui célèbre en compagnie de Paul Rée et Lou Andreas-Salomé… Les scènes clés se succèdent, les allusions et les ellipses sont nombreuses ; des dialogues et des illustrations symboliques font office de transitions, d’autant que les récitatifs n’indiquent que les lieux et les dates. Ce schéma, qui varie les vitesses et les intensités, a l’avantage de rythmer la lecture et de synthétiser le propos. Mais il peut aussi l’alourdir : le rappel des faits en forme de conversation impromptue est parfois pesant, et les idées de Nietzsche se condensent mal en quelques bulles.
Contraintes du format obligent, ce n’est pas une histoire de l’histoire de Nietzsche. Pertinent dans les grandes lignes, ce récit imagé donne parfois corps à des scènes contestables, qui reposent par exemple sur des témoignages isolés ou indirects. Ainsi, la vision classique de la crise de folie qui frappe le philosophe en 1889 est une légende tenace et invérifiable, comme l’a révélé Curt Paul Janz dans sa biographie (Tome III, pp. 424-426). Par ailleurs, Michel Onfray et Maximilien Le Roy dénoncent avec justesse la falsification des textes de Nietzsche par sa soeur Élisabeth – nazie notoire et militante –, s’attachant à dédouaner le philosophe des accusations d’antisémitisme.
Pour une première approche, c’est idéal. Cette initiative offre un récit précis et illustré avec finesse. Cela ne s’adresse pas tant aux amateurs de bandes dessinées et aux inconditionnels de Nietzsche qu’à un public qui voudrait un aperçu de la vie du philosophe en une petite heure de lecture.