Saviez-vous que Molière écrivait « ortografe », que le mot « autrice » était courant jusqu’au 17e siècle, ou que les abréviations genre « texto » étaient appréciées des moines copistes du Moyen Âge ? Cet essai pour tous publics regorge d’anecdotes savoureuses sur l’histoire de la langue française. Mais son propos est bien plus actuel : réforme de l’orthographe et de la grammaire, enseignement de la langue à l’école, féminisation du lexique et écriture inclusive… Ces débats souvent passionnels sont l’occasion d’une initiation claire et rigoureuse aux sciences du langage.
Les lecteurs et lectrices même néophytes peuvent ainsi comprendre comment se construit une langue, comment elle évolue, ou encore quels enjeux politiques et sociaux y sont attachés. Faire de la bonne vulgarisation scientifique tout en prenant parti dans des discussions brûlantes était une gageure, et certains passages comme ceux sur l’Académie française ou l’Organisation internationale de la francophonie ont des accents presque pamphlétaires. Mais le pari est réussi : si le propos est engagé, il reste toujours argumenté, éclairé, et souvent implacable.
Oui, affirment les deux linguistes, la langue française évolue comme elle a toujours évolué, en mélangeant des apports divers, populaires ou étrangers, en alignant ses formes écrites sur de nouveaux usages et sur l’oral, et surtout en étant remise en question, ainsi qu’elle l’a été jusqu’à la fin du 19e siècle. Contre la fétichisation de la grammaire et de l’orthographe, « divinités des sots » selon une formule de Stendhal, Maria Candea et Laélia Véron plaident pour réhabiliter l’esprit critique et une certaine forme de liberté. Des normes communes peuvent certes être nécessaires, mais le français est avant tout ce que ses usagers en font.
Le français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique, Maria Candea et Laélia Véron, La Découverte, 2019, 240 p., 18 €. Cet article est paru dans Sciences Humaines (n° 315 – juin 2019)