L’affaire semble entendue : une bonne éducation réduit les risques qu’un enfant bascule dans la violence. Et pourtant… De nombreux terroristes, voire des génocidaires, ont bénéficié d’une bonne instruction ou d’un haut niveau d’étude. C’est ce paradoxe, constaté depuis longtemps, qui a poussé trois chercheurs norvégiens à faire un bilan des liens entre éducation et violence politique. Membres du Peace Research Institute d’Oslo, ils ont passé en revue – et à l’aune d’outils statistiques – 42 études publiées entre 1996 et 2016, soit l’essentiel des travaux récents sur le sujet.
Cette première revue systématique de la littérature permet d’accréditer ce qui n’avait pas été formellement démontré : oui, investir dans l’enseignement et l’éducation, et donc dans l’école, permet généralement de lutter contre la violence et de promouvoir la paix. C’est un facteur d’autant plus intéressant qu’il est l’un des rares sur lesquels un gouvernement a une prise directe, insistent les chercheurs. Pour autant, cela ne veut pas dire que l’éducation prémunisse absolument contre toute forme de violence ; la relation de ces deux termes est plus « complexe et multidimensionnelle » que cela.
Lorsqu’un individu bénéficie par exemple d’une bonne intégration scolaire, mais appartient à un groupe socialement marginalisé, discriminé voire opprimé, il reste évidemment susceptible de basculer… En outre, les profils cumulant une certaine intelligence et un penchant pour la violence politique ont de fortes chances de jouer un rôle prépondérant dans les réseaux terroristes. Comme dans tous les milieux, leur niveau d’étude leur permet de se distinguer, d’accéder rapidement à des responsabilités ou d’être placés sur des missions à risques. C’est ce qui explique, entre autres, que beaucoup se retrouvent impliqués dans les opérations les plus spectaculaires.
Gudrun Østby, Henrik Urdal et Kendra Dupuy, « Does education lead to pacification ? A systematic review of statistical studies on education and political violence », Review of Educational Research, n° 89, 2019/1.