Peut-on espérer comprendre l’esprit humain sans commencer par le cerveau et les cellules de notre corps ? Le neurobiologiste Pier Vincenzo Piazza en doute fortement. Pour lui, la dichotomie classique entre le corps et l’esprit n’est pas fondée. Nos oscillations psychologiques, nos comportements, notre culture ou encore notre spiritualité s’expliquent d’abord en termes de mécanismes biologiques. L’auteur décrit par exemple comment des expériences de vie traumatisantes peuvent s’inscrire au fer rouge dans les neurones, comment notre quête du bonheur et du plaisir est un produit de l’évolution, ou encore quelles modifications du cerveau peuvent faire basculer un individu dans la toxicomanie.
Précises et pédagogiques, les analyses neurobiologiques de P.V. Piazza sont d’autant plus convaincantes qu’elles ne versent pas dans un réductionnisme simple que l’auteur critique par ailleurs, s’agissant de la génétique notamment. Certains arguments font mouche : si l’esprit était une entité purement immatérielle, par exemple, comment des objets, des faits ou des événements matériels pourraient-ils avoir un effet sur lui ? Cet essai captivera tout lecteur s’interrogeant sur les rapports entre le corps et l’esprit, la nature et la culture, la biologie et la psychologie.
Seul bémol : en usant et abusant d’expressions telles que « selon les sciences humaines et sociales », P. V. Piazza cède facilement au sophisme de l’homme de paille. Les thèses qu’il attribue aux humanités sont souvent caricaturales et ne correspondent pas à l’état actuel de la recherche, par exemple en philosophie de l’esprit ou en épistémologie. On recommandera donc de survoler voire d’oublier les chapitres abordant l’histoire des idées, pour dévorer avec d’autant plus de gourmandise les parties revenant à la biologie, qui est le vrai domaine d’expertise de l’auteur.
Homo biologicus, Pier Vincenzo Piazza, Albin Michel, 2019, 416 p., 22,90 €. Cette critique est parue dans Sciences Humaines (n° 318, octobre 2019).