Avant de dire le moindre mot, nous sommes instinctivement enclins à jauger une nouvelle rencontre et à la situer dans la hiérarchie de groupes d’appartenance, confirme de nouvelles études.
La première impression est-elle la meilleure ? En tout cas, le seul fait de saluer quelqu’un avec assurance ou timidité suffit pour être perçu comme dominant, séduisant ou même digne de confiance. Telle est la conclusion du professeur Pascal Belin, psychologue aux universités de Montréal et de Glasgow, qui vient de publier une étude montrant que l’on peut prédire l’impression donnée par un court énoncé, en fonction de la voix et de l’intonation notamment. « L’ouïe envoie immédiatement un message au cerveau quand il entend un mot comme “hello” pour la première fois. Le jugement l’accompagne de façon quasi instantanée. »
Un autre article, publié presque en même temps, permet peut-être de comprendre pourquoi : si nous arrivons dans un groupe où nous ne connaissons personne, nous cherchons spontanément à nous associer aux leaders, constate le neuropsychologue Kevin Ochsner, de l’université de Columbia, d’où notre attention à des signes aussi ténus. Lorsque nous constatons que tel ou tel est particulièrement apprécié, les zones du cerveau liées à l’anticipation de récompenses s’activent et nous poussent à nous associer. Ça ne serait pas forcément lié à leur pouvoir ou à une attirance personnelle, mais plus à une question d’instinct de survie.
Dès lors, peut-on provoquer cet effet en travaillant sur son comportement, sa façon d’être et en définitive de parler ? P. Belin fait ce pari, il imagine déjà des formations basées sur ses recherches, permettant de travailler sur sa voix pour améliorer l’image que l’on donne de soi. Toute la difficulté reste cependant de définir cette « amélioration » sans se soumettre à des injonctions normatives. Après tout, la voix est en quelque sorte le reflet de l’âme, de ses affections et de ses intentions disait Aristote (Traité de l’âme). Il pourrait être dommage d’en réduire la diversité en cédant à des logiques de standardisation et des appétits de pouvoir.
Cet article est paru dans Science Humaines (juillet 2014)