
Cet article est paru dans Sciences Humaines (n° 317, août-septembre 2019)
Le maître de Platon tenait-il son amour de la sagesse d’une femme restée dans l’ombre ? C’est l’hypothèse défendue par Armand d’Angour, professeur de lettres classiques à Harvard. Dans Le Banquet, en effet, Socrate évoque une femme qu’il aurait connue dans sa jeunesse et qui l’aurait « instruit des choses concernant l’amour », tant sur un plan érotique que politique ou philosophique. Cette muse est un personnage fictif nommé Diotime dans le dialogue, mais elle renverrait en fait à Aspasie de Milet. Cette contemporaine de Socrate était une étrangère installée à Athènes, devenue la compagne de l’homme d’État Périclès, et une femme d’une grande renommée.
Connue pour son érudition, ses talents d’oratrice et son influence politique – des qualités rarement reconnues aux femmes de l’époque –, elle aurait fréquenté Socrate lorsqu’ils avaient tous deux une vingtaine d’années, devenant même son interlocutrice privilégiée. Pour A. d’Angour, leurs échanges auraient largement inspiré les réflexions du philosophe sur l’amour, la beauté ou encore la sagesse. Cette interprétation n’est pas inédite contrairement à ce que suggère l’ouvrage. Mais elle est ici soutenue par un travail de reconstitution historique important, précis et détaillé, construit de façon convaincante à partir de rares indices.
Reste que sur des périodes aussi reculées que le 5e siècle av. J. C., il est difficile d’avoir la moindre certitude. Et qu’A. d’Angour se contente tout au plus de suggérer que Socrate et Aspasie auraient filé le parfait amour dans le dos de Périclès.
D’Angour A., Socrate in Love: The Making of a Philosopher, Bloomsbury, 2019.