Et si l’on accélérait ?

À l’heure où la gauche cherche de nouvelles boussoles, un courant de pensée fraîchement apparu rebat les cartes de sa famille politique : l’accélérationnisme. Nourri au constructivisme de Gilles Deleuze et Félix Guattari, Jean-François Lyotard ou encore Jean Baudrillard, il est né d’un Manifeste pour une politique accélérationniste, publié le 14 mai 2013 par les chercheurs Nick Srnicek et Alex Williams, aussitôt traduit et commenté dans le monde entier. Malgré quelques échos en France, via la revue Multitudes ou des articles d’Antonio Negri par exemple, il reste peu connu sur nos rives ; la parution récente du premier recueil dédié aux Presses universitaires de France pourrait changer la donne.

Pour les militants « accélérationnistes », la gauche s’est enfermée dans une double impasse. Les organisations dites « de gouvernement » proposent au mieux de renouer avec l’État providence et l’interventionnisme, alors que les conditions économiques et sociales ne le permettraient plus. Les mouvements décroissants feraient également fausse route en prônant un retour en arrière – à des formes d’autoorganisation communautaires directes par exemple –, car ils réduiraient ainsi la politique à une négation de l’ordre existant, sans proposer aucune alternative. Les auteurs du manifeste proposent de réenchanter la gauche en renouant avec l’idée de progrès.

« L’accélération » consiste ainsi à préserver les gains du capitalisme tout en les poussant au-delà de leurs limites naturelles, afin de construire une société « postcapitaliste ». Pour prendre un exemple central, les progrès technologiques ne sont pas foncièrement inféodés à l’hubris consumériste : certains permettent de réduire le temps de travail, de limiter les pollutions ; les plus spectaculaires – génétiques, cybernétiques, informatiques… – ouvrent même la voie à de nouvelles formes d’émancipation collective. L’accélérationnisme entend ainsi faire le pari de l’avenir contre toute forme de nostalgie.

Cet article est paru sur Sciences Humaines

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