Les soulèvements populaires illustrent à merveille l’expression « c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». Cette année au Brésil, alors que la misère perdure depuis des dizaines d’années, une augmentation de six centimes du tarif des tickets de bus a déclenché un mouvement de protestation sans précédent. En Turquie, la destruction programmée d’un parc dans la capitale a peu à peu fédéré toute forme d’opposition au gouvernement. En Suède, une bavure policière a entraîné plusieurs nuits d’émeute dans une banlieue de Stockholm, faisant écho à une ségrégation sociale bien plus profonde. Si ces événements sont déclencheurs, ils n’expliquent pas tout.
Dan Braha, chercheur en sciences de l’information et de la communication au New England Complex Systems Institute, s’est efforcé de démêler les différentes causes en modélisant des études sur des révoltes dans 170 pays.
Premier constat : il n’y a évidemment pas un mais plusieurs foyers de protestation, qui permettent au mouvement de se répandre plus ou moins rapidement et violemment, de la même façon qu’un feu de forêt ou une épidémie virale. D. Braha discerne trois déclencheurs majeurs dans les derniers soulèvements. Le premier, c’est l’émergence d’une classe moyenne dans les pays en développement – Brésil, Maghreb, Turquie… –, suffisamment pauvre pour souffrir et assez riche pour se faire entendre.
Deuxième élément : cette population a été frappée de plein fouet par la volatilité des prix des matières premières et de l’agroalimentaire de ces dernières années. Enfin, elle a développé une culture inédite de l’autoorganisation et de la contestation, grâce à Internet et aux réseaux sociaux notamment. L’étude montre, en somme, que ces révoltes sont très spécifiques à notre époque et n’ont rien de comparable aux révolutions passées.
Cet article est initialement paru dans Sciences Humaines (n° 253, novembre 2013). À lire également : Dan Braha, « Global civil unrest : contagion, self-organization, and prediction », PLoS ONE, vol. VII, n° 10, octobre 2012.