« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. » En quoi cette citation du philosophe Héraclite d’Éphèse (VIe siècle av. J.-C.) permettrait d’enrichir la pratique managériale ? Éléments de réponse dans Management (n° 224, novembre 2014). Retrouvez en prime les conseils d’Arthur Schopenhauer pour avoir toujours raison, même quand on a tort !
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La radicalisation à l’aune du Léviathan
Moins les individus nourrissent de valeurs communes, plus l’État serait en péril : l’idée défendue par Hobbes permet peut-être de mieux comprendre la montée des mouvements de contestation.
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“Radicalisation” : le mot est sur toutes les lèvres à mesure que la fronde sociale s’amplifie. La multiplication des plans sociaux pousse beaucoup de salariés dans la rue. Des indépendants de tous bords (artisans, agriculteurs, entrepreneurs…) rallient les “bonnets rouges” contre les derniers projets de réforme fiscale. Le traitement politico-médiatique de l’immigration – affaire Leonarda en tête – semble ulcérer tout le monde, même pour des raisons totalement opposées. Des actions plus isolées témoignent également d’un malaise général, notamment lorsque le bijoutier de Nice tua un braqueur d’une balle dans le dos et reçut 1 600 000 soutiens via une pétition sur Facebook.
Les préfets sonnent l’alarme. Dans une note révélée par Le Figaro, ils décrivent “une société en proie à la crispation, à l’exaspération et à la colère”, un “climat douloureux” et même “un sentiment d’accablement” dans tous les départements. Les revendications sont de plus en plus “portées en dehors du cadre syndical, observent-ils, à travers des actions plus radicales : grèves de la faim, blocage de longue durée, dégradation et menaces de perturbation de grandes manifestations culturelles ou sportives ont pris le pas sur les défilés en ville”.
“Ce qui affaiblit l’État”
Difficile de faire le tri dans les multiples raisons envisageables – crise économique et sociale, disparition de repères traditionnels… On peut en revanche consulter un grand classique de la philosophie politique, généralement au programme du bac d’ailleurs : le Léviathan de Thomas Hobbes. Dans un chapitre intitulé “De ce qui affaiblit l’État ou tend à sa dissolution”, il entreprend d’inventorier l’ensemble des causes pouvant conduire au conflit social, voire à la guerre civile. Certains passages de ce texte, publié en 1651, résonnent de façon étonnante avec l’actualité. Lire la suite
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Aux sources des révoltes
Les soulèvements populaires illustrent à merveille l’expression « c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». Cette année au Brésil, alors que la misère perdure depuis des dizaines d’années, une augmentation de six centimes du tarif des tickets de bus a déclenché un mouvement de protestation sans précédent. En Turquie, la destruction programmée d’un parc dans la capitale a peu à peu fédéré toute forme d’opposition au gouvernement. En Suède, une bavure policière a entraîné plusieurs nuits d’émeute dans une banlieue de Stockholm, faisant écho à une ségrégation sociale bien plus profonde. Si ces événements sont déclencheurs, ils n’expliquent pas tout.
Dan Braha, chercheur en sciences de l’information et de la communication au New England Complex Systems Institute, s’est efforcé de démêler les différentes causes en modélisant des études sur des révoltes dans 170 pays.
Premier constat : il n’y a évidemment pas un mais plusieurs foyers de protestation, qui permettent au mouvement de se répandre plus ou moins rapidement et violemment, de la même façon qu’un feu de forêt ou une épidémie virale. Lire la suite
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Descartes : un crâne au Panthéon ?
Sur www.philomag.com
Jadis substance pensante, aujourd’hui matière inerte, la tête de René Descartes fait encore parler d’elle. Des députés du Parti radical de gauche (PRG) proposent de transférer le crâne du philosophe, actuellement conservé au musée de l’homme de Paris, au Panthéon. Entre autres arguments, ils rappellent que ce transfert a été envisagé dès 1793. Lire la suite
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Contestation en Iran : de Michel Foucault à « Where is my vote ? »
Sur www.philomag.com
« Il est bon que les gouvernés puissent se lever pour rappeler qu’ils n’ont pas simplement cédé des droits à qui les gouverne, mais qu’ils entendent bien leur imposer des devoirs. À ces devoirs fondamentaux, nul gouvernement ne saurait échapper. Et, de ce point de vue, les procès qui se déroulent aujourd’hui en Iran ne manquent pas d’inquiéter. » Cette interpellation de Michel Foucault à l’adresse du premier ministre issu de la révolution iranienne, Medhi Bazargan, est extraite d’une lettre ouverte que le philosophe publie dans le Nouvel Observateur en avril 1979. Elle pourrait s’entendre aujourd’hui, au sein de l’opposition au gouvernement d’Ahmadinejad, alors que jeudi 11 février marque le 31e anniversaire de la révolution en Iran, et que la contestation du gouvernement issu des présidentielles de juin 2009 ne faiblit pas.
L’année précédente, Foucault avait été vivement critiqué pour avoir défendu le caractère islamique du soulèvement populaire. « Que voulez-vous ? demande-t-il dans Le Nouvel Observateur en octobre 1978 (pp. 48 et 49). Pendant tout mon séjour en Iran, je n’ai pas entendu prononcer une seule fois le mot “révolution”. Mais quatre fois sur cinq, on m’a répondu “gouvernement islamique”. » Quelques semaines plus tard, une lectrice iranienne attaque cet article. Elle reproche à Foucault de prendre la défense du « fanatisme religieux », un remède qu’elle juge potentiellement pire que la dictature sur le point d’être renversée. Mais pour Foucault, l’islam chiite reste la force essentielle du mouvement de contestation, « celle qui pouvait faire soulever un peuple non seulement contre le souverain et sa police, mais contre tout un régime, un mode de vie, tout un monde », écrivait-il dans le quotidien italien Corriere della Serra (13/02/79).
Foucault n’envisage pas alors que le régime des mollahs succèdera à la dictature du Shah. Dans un article sur « Le chef mythique de la révolte de l’Iran », soit l’ayatollah Khomeiny (Corriere della Serra, 26/11/78), il estime que le leader chiite n’est que l’épiphénomène de forces qui le dépassent, et qu’il ne saurait s’imposer seul. En outre, il pensait qu’un gouvernement islamique n’était pas en soi plus douteux qu’un modèle politique occidental. En mars 1979, la prise de pouvoir de Khomeiny et les exécutions sommaires qui s’ensuivent le conduisent à revoir sa position. Dans la lettre ouverte à Medhi Bazargan, citée plus haut, il évoque notamment un entretien qu’il eut avec ce dernier en septembre 1978, rappelant qu’un gouvernement islamique ne devrait pas renier une certaine « spiritualité politique », sans quoi le peuple pourrait retourner l’islam contre ce pouvoir. Par la suite, il ne reviendra pas sur sa défense de la révolution islamique, si ce n’est pour expliquer dans Le Monde (11/05/79) que, dans sa démarche, l’analyse d’un événement ne devait pas tomber sous la coupe d’une vision imposant une coupure entre le politique et le religieux, au nom de valeurs dont il critique la prétention à l’universalité.
Aujourd’hui, sans pousser le parallèle trop loin, il est frappant de constater que le mouvement de contestation en Iran se fait bien souvent au nom de l’islam. Le caractère démocratique de cette opposition ne fait aucune doute : le slogan « Where is my vote ? » reste le premier cri de révolte d’une population qui ressent les dernières élections présidentielles comme une spoliation de ses droits civiques. Cependant, l’islam est présent : la couleur verte – symbole de la religion musulmane – orne ce mouvement, les « Allah ouakbar » (« Dieu est grand ») sont scandés dans les rassemblements comme ils résonnaient sur les toits de Téhéran pendant la révolution de 1979, le leader actuel, Mir-Hossein Moussavi, est aussi un descendant du prophète, etc. « Des intellectuels croyants sont partisans d’une sécularisation entendue comme processus d’autonomisation de la société par rapport à la religion, expliquait le sociologue Amir Nikpey dans Philosophie magazine n° 32. Le paradoxe est qu’ils la revendiquent pour des raisons religieuses, arguant que le pouvoir de la religion doit être limité pour le bien de la religion elle-même ; les athées sont minoritaires, car le tissu de la culture iranienne reste la religion. » Ainsi, si Michel Foucault n’a pas anticipé la tournure que prendrait la révolution de 1979, il n’est pas dit pour autant qu’il ait mal analysé les forces en présence.
À lire :
Michel Foucault : L’Islam et la révolution iranienne, sous la direction de Andrea Cavazzini, Mimesis, « La rose de personne », 2005
Plus sur le web :
« Un reportage d’idées » et quelques manuscrits, sur le site consacré aux archives de Michel Foucault.
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« L’Iran est sur la voie de la sécularisation »
Trois questions à… Amir Nikpey, philosophe, enseignant- chercheur à l’université Shahid-Beheshti de Téhéran. Il montre que l’autonomisation de la société iranienne est dans l’intérêt du camp religieux.
Propos recueillis par Fabien Trécourt pour Philosophie Magazine n°32
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