L’écrivain Mario Vargas Llosa, pourtant opposé à la doctrine de l’Église, prend la défense de Benoît XVI au nom du pluralisme.
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Athée militant, l’écrivain Mario Vargas Llosa a pris la défense de Benoît XVI à la surprise générale. Prix Nobel de littérature, cet opposant proclamé à la doctrine morale de l’Église, a en effet publié une tribune dans le quotidien espagnol El País, dans laquelle il revient sur le parcours du pape démissionnaire en termes plutôt élogieux. « La réflexion unique de Benoît XVI était fondée sur son énorme connaissance théologique, philosophique, historique et littéraire ». Ses livres et encycliques, continue-t-il, « allaient souvent au-delà des réflexions strictement dogmatiques et contenaient des pensées nouvelles et audacieuses sur les problèmes moraux, culturels et existentiels de notre époque. »
L’écrivain péruvien loue également l’action politique de Benoît XVI : il aurait été « le premier pape à demander pardon pour les abus sexuels dans les écoles catholiques et les séminaires, afin de répondre aux associations de victimes. Le Saint père a également convoqué la première conférence dans l’Église consacrée à écouter les témoignages des victimes elles-mêmes et à établir des normes et des règles visant à empêcher que de tels maux ne se reproduisent à l’avenir. » Pour beaucoup d’analystes en effet, Benoît XVI aura été le pape de la tolérance zéro face à la pédophilie. Ce point de vue fait cependant débat, d’autres estimant qu’il n’aurait rien fait pour les victimes ou trop peu.
Pour Mario Vargas Llosa, en tout cas, « ce serait une erreur de célébrer la démission du souverain pontife comme une victoire du progrès et de la liberté. » Benoît XVI « ne représente pas seulement la tradition conservatrice de l’Église, mais aussi son plus grand héritage : celui de la grande culture révolutionnaire de l’âge classique et de la Renaissance ». Ce n’est pas la première fois que cet agnostique militant défend la doctrine de l’Église pour ce qu’elle est, bien qu’il y soit opposé. En 2011 notamment, il avait estimé que la religion est indispensable à une société démocratique.
Pour la culture de la liberté, écrivait-il, c’est « un bien, parce qu’une société démocratique ne peut combattre efficacement ses propres ennemis, à commencer par la corruption, si ses institutions ne sont pas solidement fondées sur des valeurs éthiques, si en son sein ne se développe pas une riche culture spirituelle comme antidote aux forces destructrices, fracturantes et anarchiques qui sont seulement déterminées par les conduites individuelles libérées de toute responsabilité. » Cette analyse s’articule sur sa critique de la culture contemporaine, dont il estime qu’elle « a omis d’être une réponse sérieuse et profonde aux grandes interrogations de l’être humain sur la vie, la mort, la destinée, l’histoire. » De ce point de vue, la religion, « pourvu qu’elle ne prenne pas le pouvoir politique », reste un enrichissement spirituel.