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Aucun diplôme en économie ni en journalisme, mais un double cursus lettres et philo. Le directeur de la rédaction de BFM Business et le « Monsieur diagramme » Des paroles et des actes sur France 2 est l’auteur d’un mémoire sur Blaise Pascal.
Comment êtes-vous passé de la philosophie et des lettres à l’économie ?
François Lenglet : Un peu par hasard… J’ai obtenu une maîtrise de lettres en consacrant un mémoire à Blaise Pascal, au début des années 1980. En parallèle, j’ai validé deux certificats en philosophie, l’un sur la filiation entre Nietzsche et Heidegger, sous la direction de Henri Birault, l’autre sur les liens entre philosophie et économie chez Marx. Tout ça est loin… Je me souviens mieux de certains aphorismes de Nietzsche que de mes travaux ! Après mes études, j’ai saisi l’opportunité d’un stage au Monde, puis je suis devenu correspondant pour L’Express en Chine. De fil en aiguille, je suis entré à L’Expansion, où j’ai eu d’excellents tuteurs. Je me suis formé à l’économie sur le tas, au fil de mes articles et de mes lectures.
Quel est l’impact de la philosophie sur votre vision de l’économie ?
F. L : Je pense que les économistes ne se remettent pas assez en question. Mon professeur, Henri Birault, disait toujours : le problème, c’est quand on a oublié qu’on a oublié. C’est la même chose avec la crise que nous traversons : les économistes avaient oublié que, dans l’histoire, toutes les phases de spéculation finissaient mal. Je l’ai écrit en 2007 dans mon essai, La crise des années 30 est devant nous. Ça passait pour un livre pessimiste à l’époque. Pourtant, tous les ingrédients étaient sous nos yeux : remise en cause des élites, montée de l’individualisme, capitalisme débridé, croissance médiocre, chômage… Pourquoi un tel aveuglement ? Il me semble l’homme oublie ce qui a provoqué une crise quand les témoins de l’époque ont tous disparu. Résultat : on clame que « cette fois, ce sera différent », alors qu’on reproduit exactement le même schéma. Je pense que la philosophie est alors utile aux économistes comme discipline du questionnement, pour mettre en évidence ces similitudes. Malheureusement, elle reste trop souvent à la marge.
À quoi était consacré votre mémoire sur Pascal ?
F. L : Je voulais montrer qu’il était, en quelque sorte, le premier sartrien : pour lui, l’existence n’a pas de sens a priori. L’homme ne trouve aucun réconfort quand l’angoisse l’étreint face à l’étendu des possibles. Égaré dans l’immensité de l’univers, il est frappé par le silence de Dieu sur sa condition. Je me suis appuyé sur Le Dieu caché, de Lucien Goldmann, pour montrer qu’un tel individu devait trouver seul le sens de son existence. Chez Sartre aussi, cela ne procède pas de l’existence de Dieu. J’ai tenté d’établir une filiation existentialiste entre lui et Pascal, même si c’était anachronique.