Régis Debray sur Samir Kassir

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Cinq ans après la mort du journaliste et historien Samir Kassir, les deux textes du philosophe Régis Debray pour son « ami libanais assassiné » n’ont rien perdu de leur actualité. Diplômé en philosophie et en histoire, auteur d’une thèse de référence sur La guerre du Liban, Samir Kassir a été l’un des plus vigoureux opposants à la tutelle syrienne sur le pays du cèdre. Depuis son assassinat, le 2 juin 2005, les auteurs n’ont toujours pas été traduits en justice.

Dans l’essai Un candide en terre sainte, paru en 2008, Debray rend hommage à l’auteur des Considérations sur le malheur arabe et d’une incontournable Histoire de Beyrouth. « Il était dans ta manière de réunir l’activiste et l’intellectuel, le patriote et le cosmopolite. Chacun de ces mots pris séparément nourrit chez nous des ribambelles de clichés qui me font bailler. Je te remercie de nous avoir montré, mais tu n’es pas le seul, qu’on peut encore faire aller ensemble l’intelligence et la responsabilité. »

La même année, Régis Debray soulignait cette richesse militante et spirituelle de L’intellectuel face aux tribus, lors d’une conférence à l’université Saint-Joseph de Beyrouth. « Dans un monde d’introversions cloisonnées, où les racines remontent et qui tend de plus en plus à identifier l’individu d’après son ethnie, son parti, sa généalogie, sa famille, où l’identité joue comme principe d’exclusion, où chaque tribu s’éprouve en victime potentielle de sa voisine, humiliée, bafouée ou grignotée, le mécontent qui veut s’élever du particulier à l’universel, sans renoncer ni à l’un ni à l’autre, engage un rude combat. »

En conclusion, Régis Debray loue cette articulation rare entre intelligence et action d’un côté, individualité et collectivité de l’autre. « Cette aptitude à tenir les deux bouts de la chaîne civique, le nous et le moi-je, à « marcher d’un pas solitaire avec les autres », comme dit le poète irakien Saadi Youssef, c’est le défi que nous invitent à relever des réfractaires comme feu Samir Kassir, et c’est pourquoi sa mémoire mérite de rester tel un remords et une incitation au milieu de nous, à l’est comme à l’ouest de Beyrouth, au sud comme au nord de la Méditerranée, au Levant comme au Couchant d’une même planète à partager. »

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