Elle court, la rumeur insolente

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Faut-il en parler ou pas ? C’est la question qui anime les journalistes, alors que la vie privée du couple présidentiel fait les choux gras de Twitter, des blogs et des tabloïds. Mais elle est vaine, la rumeur parle d’elle même. « D’abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano, vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait », résume Beaumarchais dans son opéra, Le Barbier de Séville (Acte II, scène 8).

La rumeur est liquide. Rien ne freine son déploiement, ni le démenti ni les conséquences qu’elle entraîne. Dans une Chronique de la haine ordinaire (10.02.86), l’humoriste Pierre Desproges la dépeint en quelques lignes d’une féroce précision. « Elle est sale, elle est glauque et grise, insidieuse et sournoise, d’autant plus meurtrière qu’elle est impalpable. On ne peut pas l’étrangler. Elle glisse entre les doigts comme la muqueuse immonde autour de l’anguille morte. Elle sent. Elle pue. Elle souille. C’est la rumeur. »

Élogieuse ou calomnieuse, vraie ou fausse, elle répand son fiel. Dans le conte de Voltaire Zadig ou la destinée par exemple, elle impose à cet homme « juste » et « véridique »* une route qui semble tracée d’avance, que celui-ci ait volé ou pas, courtisé ou méprisé des femmes mariées, complimenté ou insulté le roi, etc. « O vertu ! À quoi m’avez-vous servi ? Deux femmes m’ont indignement trompé ; la troisième, qui n’est point coupable, et qui est plus belle que les autres, va mourir ! Tout ce que j’ai fait de bien a toujours été pour moi une source de malédictions, et je n’ai été élevé au comble de la grandeur que pour tomber dans le plus horrible précipice de l’infortune. » (Chap. VIII). Indifférente à la morale comme aux faits, la rumeur est de ce point de vue un destin plutôt qu’un discours.

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