L’hétérosexualité est-elle naturelle ?

Observée chez quelques 1500 espèces animales, l’homosexualité reste mystérieuse pour de nombreux spécialistes en biologie de l’évolution. Mais d’après un article publié dans Nature, la question pourrait être mal posée depuis le début. Cet article est paru dans Sciences humaines (n° 323, mars 2020).

Les relations homosexuelles sont extrêmement répandues dans le monde vivant, elles ont notamment été observées chez quelque 1 500 espèces animales. Or ce constat est depuis longtemps une source d’interrogations pour les biologistes. En principe, dans le temps long de l’évolution naturelle, seuls les comportements maximisant les chances de se reproduire et de transmettre ses gènes sont sélectionnés. Comment, dans ce cadre darwinien, expliquer l’apparition et la conservation de pratiques stériles ?

Pansexualité primordiale

Selon un article publié dans Nature, cette question pourrait tout simplement être mal posée : on part du principe que l’hétérosexualité serait la norme, la condition par défaut des êtres vivants, et qu’une partie aurait ensuite dérivé vers l’homosexualité. On peut pourtant imaginer l’inverse ! Les premières formes de vie n’avaient pas ou peu de caractères sexuels apparents ; faute de pouvoir distinguer facilement les mâles des femelles, elles auraient eu tout intérêt à copuler avec tout ce qui se présentait pour maximiser leurs chances de reproduction. De ce point de vue, une forme de pansexualité pourrait avoir été la condition par défaut du monde vivant, dont aurait ensuite dérivé une hétérosexualité plus stricte.

Biais normatif

Cette hypothèse est difficile à vérifier empiriquement ; comme beaucoup de théories en biologie de l’évolution, elle est avant tout un modèle, une interprétation de ce qui aurait pu se passer. Elle a cependant le mérite d’expliquer de manière cohérente un phénomène sur lequel beaucoup d’évolutionnistes ont buté. En outre, elle attire l’attention sur un biais resté largement inconscient dans la recherche : de nombreux biologistes sont implicitement partis du principe que l’hétérosexualité était une norme naturelle et ont occulté, sur la base de ce préjugé, une analyse pourtant fructueuse de l’homosexualité.

Julia Monk et al., « An alternative hypothesis for the evolution of same-sex sexual behaviour in animals », Nature, Ecology & Evolution, novembre 2019.

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