«Avé l’assent !»

Quelqu’un vous parle « avé l’assent », mais sauriez-vous deviner s’il vient plutôt de Toulouse ou de Marseille ? Et feriez-vous la différence entre les parlers belge et suisse ? Cet article est paru dans Sciences Humaines (n° 304, juin 2018).

En moyenne, seuls 35,9 % des Français reconnaissent bien un accent régional ou de pays voisin, selon une enquête des linguistes Mathieu Avanzi et Philippe Boula de Mareüil*. Plus de 1 500 personnes ont tenté d’en identifier huit après avoir écouté des extraits sonores, et beaucoup s’emmêlent les pinceaux – entre Sud-Est et Sud-Ouest, Bretagne et Hauts-de-France, Belgique, Suisse et Alsace. « Nous avons souvent une vision stéréotypée des accents, constate M. Avanzi. Mais la plupart des gens ne parlent pas comme dans les films de Pagnol ou Bienvenue chez les Ch’tis. »

« le matériel phonique de la langue ne fait pas tout »

Depuis 2015, ce linguiste mène une série d’enquêtes participatives à travers le site francaisdenosregions.com, pour mieux décrire les parlers francophones Des cartes publiées en ligne ou dans l’Atlas français de nos régions (2017) révèlent certes d’étonnantes variétés linguistiques : le « l » du mot « persil » se dit rarement dans le centre du pays, tandis que le « s » de « moins » se prononce presque exclusivement dans le Sud-Ouest par exemple. « Mais le matériel phonique de la langue ne fait pas tout », constate M. Avanzi. Des variétés lexicales comme « pain au chocolat » et « chocolatine », « crayon à papier », « crayon de bois » ou encore « crayon gris » – qui divisent tant la France ! – semblent en effet jouer un rôle majeur.

Si vous entendez le mot « dégun » (« personne », au sens de « personne ne l’a jamais vu ») par exemple, vous pensez tout de suite à Marseille ou à la région provençale. Les linguistes ont donc supprimé toute trace de lexique régional des extraits sonores soumis aux participants, afin d’évaluer leur capacité à reconnaître un accent pour lui-même. Verdict : « Dès que vous n’avez plus ce genre de repère, l’identification devient très difficile », résume M. Avanzi. Sauf si vous entendez un locuteur de votre propre région évidemment, l’identification par des locaux restant largement supérieure à la moyenne nationale.

*Les résultats seront présentés aux Journées d’étude sur la parole (Aix-en-Provence, juin 2018). À lire également : Atlas du français de nos régions, de Mathieu Avanzi (Armand Colin, 2017)

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