Archives de Tag: linguistique

Naissance d’une science moderne de l’esprit

Deux linguistes revisitent l’histoire de leur discipline, pour rendre compte de l’émergence d’une nouvelle conception de l’esprit humain au 20e siècle. Ils déconstruisent par la même occasion bien des idées reçues sur la marche des sciences. Cette recension est parue dans Sciences Humaines (n° 344, février 2022).

L’ouvrage entend faire date, il pourrait bien être à la hauteur de ses ambitions. Aux origines des sciences humaines est une somme magistrale sur l’histoire des idées, du milieu du 19e siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale – un deuxième tome a été annoncé pour la période ultérieure. Dès l’introduction, il est clair que ce ne sera pas une simple compilation de biographies de chercheurs, ni un récit scolaire sur la marche des sciences. John Goldsmith et Bernard Laks proposent d’emblée une réflexion critique sur l’histoire de la recherche en sciences humaines.

Ils remettent en question des acquis aussi convenus que l’origine d’une théorie, le crédit que l’on peut accorder à tel ou tel savant pour l’avoir portée, ou encore son influence dans un champ disciplinaire et au-delà. Ils interrogent le lien entre le renouvellement des idées et celui des générations de chercheurs ; ils discutent du poids du contexte – personnel, social, culturel, politique… – sur le travail universitaire. Le propos est large et en même temps pointu. Dès les premiers chapitres, toute une galerie de personnages défile sous nos yeux. Ils débattent, s’enrichissent mutuellement, se disputent ou font au contraire alliance.

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Classé dans Histoire, Livres, Sciences du langage

«Avé l’assent !»

Quelqu’un vous parle « avé l’assent », mais sauriez-vous deviner s’il vient plutôt de Toulouse ou de Marseille ? Et feriez-vous la différence entre les parlers belge et suisse ? Cet article est paru dans Sciences Humaines (n° 304, juin 2018).

En moyenne, seuls 35,9 % des Français reconnaissent bien un accent régional ou de pays voisin, selon une enquête des linguistes Mathieu Avanzi et Philippe Boula de Mareüil*. Plus de 1 500 personnes ont tenté d’en identifier huit après avoir écouté des extraits sonores, et beaucoup s’emmêlent les pinceaux – entre Sud-Est et Sud-Ouest, Bretagne et Hauts-de-France, Belgique, Suisse et Alsace. « Nous avons souvent une vision stéréotypée des accents, constate M. Avanzi. Mais la plupart des gens ne parlent pas comme dans les films de Pagnol ou Bienvenue chez les Ch’tis. »

« le matériel phonique de la langue ne fait pas tout »

Depuis 2015, ce linguiste mène une série d’enquêtes participatives à travers le site francaisdenosregions.com, pour mieux décrire les parlers francophones Des cartes publiées en ligne ou dans l’Atlas français de nos régions (2017) révèlent certes d’étonnantes variétés linguistiques Lire la suite

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Onomastique des Pokémon

Ils s’appellent Pikachu, Braségali ou encore Lugia. Et même si vous ignorez à quoi ressemblent ces créatures fantasmagoriques, héros de manga et de jeux vidéo, vous pourriez déjà vous être fait une vague idée – en associant spontanément leurs noms à des formes plutôt rondes ou pointues, de grande ou de petite taille, etc. « De récentes études (la pokemonastique) ont montré que les sons utilisés dans les noms des Pokémon japonais avaient une valeur symbolique », assure l’appel à contribution de la première conférence scientifique dédiée, organisée à l’université de Keiō (Japon) les 26 et 27 mai prochains.

Cette approche s’inscrit dans les recherches en onomastique, consacrées à l’analyse des noms, une branche marginale mais bien vivante de la linguistique. Des études japonaises sur la symbolique des sons indiquent par exemple que les mots « malouma » et « bouba » évoquent des formes rondes et généreuses, tandis que « takété » et « kiki » font écho à des silhouettes angulaires et pointues. Le même constat pourrait valoir en français pour les prénoms « Maude » et « Thierry » par exemple. Et pour les Pokémon bien sûr. Les quelque 800 spécimens répertoriés présentent une vaste variété de formes, de tailles, et possèdent chacun leur nom propre – un terrain de choix pour l’onomastique.

Des Pokémon “non officiels” ont été dessinés pour la conférence, afin des tester des hypothèses onomastiques.

De fait, constate le linguiste Shigeto Kawahara, principal organisateur de la conférence, on devine le plus souvent la taille et le poids approximatifs d’un Pokémon en entendant son nom, mais aussi son « stade d’évolution » – ces créatures pouvant se transformer pour acquérir plus de pouvoir – ou encore sa force au combat. Lorsque le nom commence par une voyelle haute comme « i » par exemple, le Pokémon est généralement petit et léger. La conférence aura notamment pour objet de déterminer si ces résultats se retrouvent dans d’autres langues – huit noms de Pokémon sur dix étant traduits à l’étranger – et plus généralement si la symbolique des sons peut être universelle.

Cet article est paru dans Sciences Humaines (n° 302, avril 2018)

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À la recherche d’une langue perdue

Et si, à l’origine, l’humanité employait un seul et même idiome ? C’est ce qu’avancent certains linguistes, peut-être encore hantés par le mythe de Babel.

© Éric de Ville : http://ericdeville.be

© Éric de Ville : http://ericdeville.be

Cet article est paru dans Philosophie magazine (n°72, septembre 2013). Pour le lire en ligne, cliquez ici.

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