La démocratie à l’épreuve de Pokémon

Cet article est paru dans Sciences humaines (mai 2014). Pour accéder au sommaire, cliquez ici.

Helix vs Dome

Quelle est la meilleure façon de prendre une décision quand on doit mettre des milliers de personnes d’accord ? Cette question de philosophie politique est âprement débattue sur Internet autour d’une partie de Pokémon, un jeu vidéo sorti chez Nintendo à la fin des années 1990 et destiné aux 8-12 ans à l’origine. Normalement, il se joue seul, mais un programmeur australien a lancé une version collaborative sur Twitch.tv, une plateforme de vidéo en ligne. Jusqu’à 120 000 internautes ont ainsi pris le contrôle d’un unique personnage virtuel : chaque fois qu’un participant appuyait sur le bouton « aller à droite » ou « en haut », la commande était exécutée à l’écran.


Verdict : impossible d’avancer ! Si des joueurs bien intentionnés parvenaient à synchroniser leurs violons et à diriger le personnage dans la bonne direction, d’autres s’amusaient à ruiner leurs efforts, en le faisant sauter dans un fossé par exemple. Preuve que la démocratie directe ne fonctionne pas ? Des internautes ont en tout cas créé un second mode de jeu, où seule la commande de la majorité était prise en compte. Ils sont ainsi parvenus à finir le premier opus de la série des Pokémons et se sont attaqués aux suivants.

Des universitaires commencent à se servir du jeu pour tester des modèles politiques. Selon The New Scientist, le spécialiste de programmation collaborative Jeffrey Bigham a imaginé un troisième mode d’organisation : le joueur dont les commandes se rapprochent le plus de la moyenne des votes prend la direction du personnage mais est destitué dès que la « volonté générale » désigne un autre participant. C’est une démocratie directe, instantanée et permanente, qui pourrait être mise en place grâce aux nouvelles technologies. Reste à savoir si elle aurait un avenir en politique.

Jacob Aron, « ButtonMasher : 80,000 spar to control same Pokémon game », NewScientist, 20 février 2014.

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