Les bébés savent faire semblant de pleurer

Difficile d’accuser un nourrisson de « faire un caprice », et pourtant… Selon une étude publiée en décembre 2013 par Hiroko Nakayama, enseignante-chercheuse à l’université du Sacré-Cœur de Tokyo, les plus petits seraient bel et bien capables de simuler quand ils se plaignent. Elle est parvenue à cette conclusion en filmant deux bébés âgés de 7 et 9 mois, une heure tous les quinze jours pendant six mois. Premier constat : le plus jeune a pleuré deux fois plus souvent – 64 fois contre 38 – et de façon beaucoup moins nette que le second. Il lui arrivait dans 2 % des cas de rire ou de sourire juste avant ou après les pleurs, tandis que le plus âgé exprimait à chaque fois des émotions négatives – colère, tristesse…

Pour H. Nakayama, cela tend à montrer que le premier bébé imite une attitude plus qu’il exprime réellement ses émotions, cherchant notamment à attirer l’attention de ses parents. Le plus intéressant, poursuit la chercheuse, c’est que cette simulation ne semble pas forcément « mal intentionnée » ni « capricieuse » à proprement parler.

En fait, le bébé essaye d’exprimer ses émotions en adéquation avec le comportement de ses interlocuteurs. « C’est peut-être une étape cruciale dans le développement de sa sociabilité », avance la chercheuse. Ce serait une façon d’apprendre à interagir avec l’environnement et plus généralement à communiquer.

S’il reste difficile de tirer des conclusions sur un échantillon aussi réduit – quid des spécificités des foyers familiaux, du comportement des parents par exemple ? –, ces analyses accréditent l’idée que même les comportements qui semblent les plus naturels et spontanés sont en réalité construits socialement. Comme l’écrit Oscar Wilde dans Le Portrait de Dorian Gray, « le naturel est une pose, et la plus agaçante de toutes ». Surtout en plein milieu de la nuit.

Cet article est paru dans Sciences Humaines. Pour aller plus loin : Hiroko Nakayama, « Changes in the affect of infants before and after episodes of crying », Infant Behavior & Development, vol. XXXVI, n° 4, décembre 2013.

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