Les propos de Cécile Duflot pour réquisitionner des logements vides de l’Église afin d’accueillir les sans-abris ont été interprétés comme une attaque contre les catholiques. Une lecture inverse est pourtant possible.
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L’Église a-t-elle eu raison de s’indigner en lisant l’interview que la ministre Cécile Duflot a accordée au Parisien ? Dans cet article, elle détaille son projet de réquisitionner des logements vacants pour assurer l’hébergement d’urgence des sans-abris. Certes, la ministre mentionne ceux que l’Église pourrait mettre à disposition, faisant allusion à une enquête du Canard enchaîné parue deux semaines plus tôt — l’archevêché de Paris disposerait d’importants biens immobiliers « le plus souvent aux trois quarts vides ». Dans les grandes lignes cependant, Cécile Duflot ne paraît pas mettre les catholiques à l’index : « Qu’ils appartiennent à des banques, des compagnies d’assurances, des grandes sociétés civiles immobilières ou des entreprises, déclare-t-elle, ces bâtiments ne doivent plus rester vides ! »
Pourtant, les catholiques ont violemment réagi, sur Twitter notamment : « des paroisses de Paris accueillent déjà sans le hurler chaque nuit les plus démunis que l’État laisse crever dehors », rétorque l’abbé Grosjean. « Laisser penser que l’Eglise catholique manque de solidarité pour les SDF, renchérit Christine Boutin, c’est n’être pas allée dans les paroisses : honteux ! » Comme le résume le journal La Croix, l’appel de Cécile Duflot fait craindre une certaine cathophobie, d’autant que le débat sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels a fait des dégâts : « certains chrétiens ont le sentiment d’être confinés au silence, remarque l’écrivain René Guitton, parce qu’ils ont l’impression d’être assimilés à des intégristes dès qu’ils prennent la parole. » Auparavant, l’appel de la ministre du logement serait peut-être passé inaperçu.
Car on peut faire une lecture inverse de cette interview. En proposant que l’État intervienne dans la gestion de propriétés privées, la ministre ouvre un débat de fond : « ce n’est pas une simple question légale, confirme-t-elle, c’est un choix de société. » Catholique de gauche, elle pouvait s’attendre à ce que l’Église la soutienne face à ses adversaires politiques — des libéraux et libertariens hostiles à toute forme de collectivisme… La ministre associe en effet sa religion à la solidarité et au partage : « On ne peut pas affirmer les valeurs de générosité de l’Évangile, renchérit-elle, et avoir, dans sa vie quotidienne ou sa pratique professionnelle, des attitudes totalement disjointes. » Son appel peut ainsi s’interpréter comme une main tendue à l’Église, précisément parce que celle-ci est en première ligne en matière de solidarité.