Le gouvernement espagnol envisage d’interdire l’interruption volontaire de grossesse en cas de malformation du fœtus.
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Victoire du droit à la vie pour les uns, retour à l’ère franquiste pour les autres, les propos du ministre de la Justice, Alberto Ruiz-Gallardon, ont fait l’effet d’une bombe au sein des associations féministes. » Je ne comprends pas que l’on empêche un fœtus de vivre en permettant l’avortement, pour le simple fait qu’il souffre de handicap ou de malformation », a-t-il déclaré dimanche dans une interview au quotidien de droite La Razon. À Madrid, une centaine de militants ont aussitôt pris part à une manifestation dans le centre ville, à l’initiative d’un collectif d’associations pour le droit des femmes. Le mot d’ordre, a constaté l’AFP : « Nous donnons la vie, nous décidons et pas un pas en arrière. » Pour beaucoup de femmes en effet, limiter le droit à l’avortement serait comme « un retour à la dictature de Franco », estime Justa Montero, membre de l’Assemblée féministe — l’un des groupes organisateurs.
Le gouvernement envisage de modifier à la rentrée la loi votée en 2010, quand les socialistes étaient au pouvoir. Elle autorise toute femme à avorter jusqu’à 14 semaines, 22 semaines dans les cas de risque pour la vie et la santé de la mère ou de grave malformation du fœtus, et même sans limite de temps dans les cas les plus graves, sur avis d’un comité d’éthique. Pour appuyer la remise en question de ce texte, M. Ruiz-Gallardon a évoqué certains textes de l’ONU et l’article 10 de la Convention des droits des personnes handicapées, qui réaffirment la nécessité d’adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir leurs droits.
« C’est le comble du cynisme », rétorque Sergio Barambio, président de l’association des cliniques spécialisées dans l’interruption volontaire de grossesse (IVG), et l’un des pères de la loi de 2010. Selon lui, les Nations Unies déclarent « dans toutes les conférences internationales » ne pas restreindre le droit à l’avortement. Pour M. Barambio, le ministre veut interdire de fait l’avortement, dans la droite ligne de l’Irlande, la Pologne ou Malte. « Ce n’est pas une surprise quand on sait que c’est Gallardon père qui avait contesté la précédente loi de 1985, autorisant l’avortement en cas de viol, malformation du fœtus ou danger de santé pour la mère « , ajoute-t-il.
« Le ministre occupe le terrain de l’extrême droite « ultra-catholique », dénonce M. Barambio, « minoritaire mais très puissante économiquement », comme par exemple l’Opus Dei, « organisation catholique implantée dans les hautes sphères politico-économiques de l’Espagne ». Pour le collectif organisateur de la manifestation de dimanche, cette législation renverrait même à « une époque proche de la dictature franquiste » qui éloignerait l’Espagne de la plus grande partie de l’Europe en matière de droit des femmes.
Le Forum de la famille, un groupement d’associations catholiques contre l’avortement, dénonce l’amalgame. Il critique pour sa part « la dictature des pseudo-progressistes de salon qui s’agenouillent servilement devant le politiquement correct artificiellement défini par des lobbys idéologiques et économiques de bas étage. »
Le porte-parole de l’association Droit à vivre estime, lui, qu’interdire l’avortement pour malformation serait un pas en avant pour la protection des droits à la vie. Ce pédiatre juge même que « ce n’est pas suffisant, car il y a quasiment 97 % d’autres avortements pour ce qui nous pensons être de fausses excuses. » Cette position reste cependant minoritaire : d’après un sondage publié par le quotidien El País, 81 % des Espagnols sont contre l’interdiction de l’avortement dans le cas de malformation du fœtus.