Inquisitio : une série sous le feu des critiques

Les amateurs de sagas télévisées comme les historiens et les croyants accablent d’une même voix les épisodes de la série Inquisitio diffusés cet été sur France 2.

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La série de l’été sur l’Inquisition fait l’unanimité contre elle. Si quelques voix l’ont défendue avant sa diffusion, dans Le Monde Télévisions par exemple, une large majorité de médias et de spectateurs dénoncent une production médiocre et une caricature de l’histoire. « Tous les clichés du genre sont réunis dans ce récit médiéval kitschouille », tranche cette semaine encore le magazine Télérama.

Dans Le Figaro, le prêtre de la Communauté de Saint Jean, Samuel Laurent, dénonce une image tronquée de l’Église : « Conçue comme un cocktail sulfureux pour détente estivale, la saga de France 2 compile sans respect de l’histoire et jusqu’au ridicule ». Dès la diffusion du premier épisode, le porte-parole de la conférence des évêques de France, Mgr Bernard Podvin, a vivement réagi dans un communiqué : « Je pleure et je m’indigne de songer qu’à l’audimat, beaucoup risquent de se croire instruits par cette manière tendancieuse d’honorer l’histoire humaine et religieuse… »

Sur le web, les catholiques font entendre leur accablement… le plus souvent avec humour. « Ce n’est plus la Sainte Inquisition, c’est la Sainte Gestapo ! », raille la blogueuse Frigide Barjot : « Vous en prenez pour 4 semaines d’un téléfilm qui, bien qu’écrit, dialogué et réalisé par mon ami d’enfance lyonnais Nicolas Cuche — à qui je donne le Bon Dieu sans confession — n’en est pas moins une nouvelle et grossière charge anti-catholique, où le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle manque et d’imagination et de gags (on est pas dans Kaamelott !) pour une ‘super-fiction’. »

Fanatisme, antisémitisme, torture… Le portrait de l’Église est pour le moins grossier. Surtout, le traitement réservé à Catherine de Sienne, canonisée en 1461, choque les croyants et les historiens. Elle est dépeinte comme une hystérique capable de répendre une épidémie bactériologique à des fins politiques… « Catherine fut plutôt une victime de la peste, nuance le documentaliste Mathieu Bollon sur le site Causeur.fr, puisqu’elle a perdu deux de ses frères, sa sœur, ainsi que huit de ses neveux. »

Plus profondément, elle fut une grande mystique dont les écrits restent une source d’influence majeure pour la pensée théologique ; elle a d’ailleurs été la première femme déclarée docteur de l’Église, par Paul VI en 1970, avec Thérèse d’Avila. « Rien à voir avec le portrait peu flatteur qui est fait d’elle dans la série ! poursuit Mathieu Bollon. On s’étonne que des auteurs si enclins à défendre la tolérance et l’égalité réduisent une femme d’influence au statut de névrosé hystérique. »

Le réalisateur, Nicolas Cuche, a reconnu dans le journal La Croix que sa reconstitution tenait plus « de la science-fiction et des jeux vidéo » que de la vérité historique. « Le Moyen-Âge est le miroir déformant d’une réalité actuelle qui renvoie au repli communautaire et à l’obscurantisme religieux », estime-t-il encore. Il se défend cependant d’avoir cédé à la facilité : « Je ne voudrais pas qu’on s’imagine qu’Inquisitio est une sorte de brûlot anticlérical un peu simplet, une énième histoire mettant en scène la cruauté de l’Église… Sur le plan historique ce serait faux. Sur le plan romanesque, convenu et limité. »

Tels sont pourtant bien les deux reproches qui reviennent en boucle, comme le montre notamment cette parodie vidéo :

La sanction est tombée côté téléspectateurs : forte d’une importante campagne de publicité, Inquisitio rassemble environ 4,3 millions de personnes pour le premier épisode ; la semaine suivante, l’audience chute d’environ un tiers. « Un roman historique ne doit pas tordre la vérité », analyse Le Figaro Télé, comparant Inquisitio à des séries similaires, mais mieux appréciées.

Dans Les rois maudits par exemple, le comte d’Artois passe pour l’assassin de l’épouse de Louis X — hypothèse invérifiable au plan historique. Néanmoins, ce détail n’influe pas sur la marche générale de l’Histoire : « Robert d’Artois avait bien soutenu le roi d’Angleterre et contribué à faire éclater la guerre de cent ans. »

S’agissant de l’inquisition, des sites web consacrés à l’histoire de cette période ont émergé un peu partout pour rétablir les faits, à commencer par L’Inquisition pour les nuls. « Parce que cette période historique est extrêmement difficile pour tous, avertit Mgr Bernard Podvin, elle requiert d’autant plus un service délicat et éminent de la vérité. « 

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