« Alyah » : l’émigration profane sous couvert d’élévation spirituelle

Pour son premier film, Elie Wajeman emballe la croisette à Cannes avec l’histoire d’un dealer parisien qui décide d’ouvrir un restaurant à Tel Aviv.

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La religion est un paravent difficile à percer, comme la morale ou toute idéologie. « Nous ne pouvons jamais, écrit le philosophe Emmanuel Kant, même par l’examen le plus rigoureux, pénétrer entièrement jusqu’aux mobiles secrets. » C’est d’une certaine façon ce que tente le film Alyah, présenté au Festival de Cannes le 18 mai, dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs.

Alex, anti héros assumé, glandeur et dealer parisien, décide de profiter d’une filiation juive ashkénaze pour émigrer en Israël. Il s’apprête à faire son « alyah », littéralement son « ascension » en terre sainte. Il ne parle pas un mot d’hébreu, connaît à peine le nom des fêtes religieuses et se moquait de son cousin parti faire son service militaire en Israël. Dans son entourage, sa décision stupéfait. « Tu as des copains juifs toi ? », lui demande une amie.  » Pas trop non… », répond-t-il, supposant qu’il quitte la France « peut-être parce que ce pays est foireux, comme moi ».

Le réalisateur Elie Wajeman s’est intéressé aux mille raisons pour lesquelles des Juifs font leur alyah, affirmant que la démarche d’Alex est beaucoup plus « réaliste qu’on ne le croit ».  » Beaucoup partent par désillusion, confie-t-il à l’AFP, après une déception amoureuse, rêvant d’un ailleurs possible, sans visée idéologique, politique ou religieuse. »

À Paris, Alex est cerné entre un deal de coke qui vire à l’escalade suicidaire, une petite amie qui ne lui semble pas offrir une vraie porte de sortie, un frère envahissant qui lui soutire de l’argent, charrie beaucoup de problèmes et quelques créanciers patibulaires…

« J’ai vu des gens partir pour régler des problèmes existentiels ou pour fuir la justice, témoigne Elie Wajeman, cité par le quotidien Métro. Ça m’intéressait de raconter le destin d’un jeune homme, pas un gangster, juste un petit dealer, qui veut partir à son tour. »  « Ses démarches administratives sont un peu la colonne vertébrale du film, poursuit le réalisateur, j’ai dû les rallonger car si vous êtes juif, elles sont très rapides ! C’est incroyable comme c’est facile de partir en Israël et d’en devenir citoyen. »

Qu’est-ce qui, au fond, pousse Alex à prendre la route de Tel Aviv? Chaque spectateur se fera son avis. Le réalisateur Cédric Kahn, qui – une fois n’est pas coutume – joue le rôle du grand frère, a sa petite idée. Dans un entretien vidéo pour lemonde.fr, il remarque que « la relation d’Alex avec son frère concentre toute la relation à sa famille ». Sa mère a disparu, son père est aux abonnés absents…

Cédric Kahn a ainsi le sentiment d’avoir incarné à l’écran « le surmoi, cette espère d’autorité qui empêche Alex de vivre, d’exister (…) Je suis un sorte d’enfer. Et l’alyah, c’est surtout le fait de fuir cette relation. »  Entre réalisme social, religion et peut-être même psychanalyse, ce film a été unanimement salué par la critique.

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