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« Il est plus difficile d’être parent aujourd’hui. On ne dispose plus de la transcendance propre aux sociétés hiérarchisées. » C’est l’idée qu’a défendue le philosophe Dominique Youf lors de son intervention aux assises de la parentalité et de la prévention, organisées par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), jeudi 6 mai en fin de matinée à l’Espace Reuilly (Paris). Directeur chargé de la recherche à l’école nationale de la protection judiciaire de la jeunesse, il a exposé une histoire de l’autorité parentale. Le modèle familial a selon lui connu une « rupture anthropologique » dans la seconde moitié du XXe siècle. « C’est un effet lointain des révolutions démocratiques en Europe ».
Avant, la famille était hiérarchisée, fondée sur la nature ou les commandements divins. Pour illustrer ce modèle, Dominique Youf se réfère à la distinction entre société politique et domestique dans le Politique d’Aristote (I, 7) : « L’administration d’une maison est une monarchie (une famille étant toujours sous l’autorité d’un seul), tandis que le pouvoir politique proprement dit est un gouvernement d’hommes libres et égaux. » Pas d’égalité au foyer en somme. Cette évidence d’une patria potestas ou puissance paternelle aura longtemps dominé les mentalités – le droit romain comme le code Napoléon par exemple.
« Cette autorité a disparu, poursuit Dominique Youf, car elle est était en contradiction avec le principe d’égalité. » À la suite des révolutions démocratiques en Europe, le pouvoir de commander du père ne va plus de soi. La question de la puissance des parents à l’égard des enfants se pose pour la première fois. S’appuyant sur le concept d’éducation chez Hanna Arendt, Dominique Youf estime que « l’autorité des parents reste cependant légitime, car l’enfant entre dans un monde qui lui est antérieur et dont il ne connaît pas les règles ». La figure du guide aurait ainsi remplacé celle du commandant. « Le plus étonnant, conclut-il, c’est que ça marche. »