Archives de Tag: Football

Les métamorphoses du football

Sport le plus populaire au monde, le football n’intéresse pas que les supporters : il est aussi étudié par les chercheurs en sciences sociales. Parmi eux, l’ethnologue Christian Bromberger, qui revient, à quelques semaines de la Coupe du monde, sur les transformations de ce sport au cours des dernières décennies. Cette interview est parue dans CNRS le Journal.

Coupe du monde 2014 au stade Maracanã, à Rio (Brésil). En quelques décennies, le football s’est profondément transformé dans ses pratiques et son audience. © Ian Trower/GETTY IMAGES

 

Vous interveniez la semaine dernière à Paris dans une conférence sur le football et les sciences sociales. En quoi ce sport a-t-il changé depuis les années 1980 ?
Christian Bromberger : L’issue des matchs est moins incertaine. Une équipe dotée de millions d’euros de budget l’emporte contre les moins bien loties dans l’écrasante majorité des cas. Les dirigeants de petits clubs peuvent bien déborder d’intelligence tactique ou d’imagination, ça n’a que peu de poids face au pouvoir de l’argent. L’incertitude ne demeure que pour des affrontements entre équipes de même niveau, des clubs de taille intermédiaires ou lors des phases finales de grands tournois par exemple. Dans les coupes nationales, les matchs à élimination directe créent parfois de petits miracles, « David » l’emportant contre « Goliath ». Mais ces compétitions sont boudées par les grands clubs et les organismes européens, précisément parce que l’incertitude y est trop importante et qu’ils y ont beaucoup à perdre. C’est d’ailleurs pour cette raison que des systèmes de poule de qualification ont été introduits dans la Coupe des champions – qui deviendra la Ligue – au début des années 1990. Faute d’élimination directe, les chances qu’une petite équipe crée la surprise s’amoindrissent. C’est une évolution regrettable, car l’un des ressorts dramatiques du spectacle sportif, son piment émotionnel, est lié à l’incertitude du résultat. Contrairement aux films ou pièces de théâtre, l’histoire n’est pas construite avant la représentation mais s’élabore sous les yeux des spectateurs.

Comment est-il devenu un « sport business », selon l’expression consacrée ?
C. B. : Jusqu’aux années 1980, les clubs étaient gérés par des associations à but non lucratif. Une série de lois a permis d’en faire des sociétés anonymes sportives professionnelles, dotées des mêmes prérogatives que d’autres structures commerciales. Des investisseurs se sont engouffrés dans la brèche et les budgets ont explosé : un million d’euros de recettes pour la première division française en 1970, un milliard en 2011 ! Lire la suite

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Football : Bergson contre l’arbitrage vidéo

Sur www.philomag.com

La victoire de la France face à l’Irlande grâce à une main de Thierry Henry relance le débat sur l’arbitrage vidéo. Les arguments contre font écho à la thèse de Bergson sur le mouvement.

La France marque le but de la victoire face à l’Irlande, l’arbitre valide, mais la vidéo révèle que la passe décisive est une main de Thierry Henry. Le débat sur l’arbitrage vidéo dans le football resurgit, d’autant que la victoire de l’Italie lors du dernier mondial est due pour partie à l’utilisation officieuse de la vidéo : l’arbitre n’a pas vu le « coup de boule » de Zinedine Zidane, c’est bien la vision des images qui a poussé à sortir le carton rouge.

Tout porte à croire que le football serait moins enclin à la triche avec l’arbitrage vidéo. Pourtant, les opposants à une réforme sont nombreux. Dans l’émission Mots croisés du 23 novembre, L’ancien bleu Vikash Dhorasso (18 sélections en équipe de France) a répété son hostilité. Entre autres arguments : la vidéo ne représenterait pas ce qui se passe sur le terrain. « Un jour, j’ai entendu un arbitre déclarer qu’il avait été abusé à vitesse réelle. J’ai trouvé ça stupéfiant : il donnait plus d’importance à un ralenti qu’au réel. » D’autre part, on ne devrait pas réduire un match à une succession d’instants déliés les uns des autres, car cela tuerait le jeu. « On revient sur la main de Thierry Henry, mais peut-être que deux secondes avant il y avait une faute, qui entraînait une autre faute, qui entraînait une touche que l’arbitre n’avait pas vue… On va remettre en cause tout le match. »

Il est paradoxal de dire que l’image vidéo ne représente pas la réalité. C’est cependant une thèse que défend le philosophe Henri Bergson dans L’évolution créatrice. Il dénonce dans le quatrième chapitre l’erreur qui revient, pour la pensée comme pour le mécanisme cinématographique, à découper le mouvement en tranches distinctes : « nous n’apercevons du devenir que des états, de la durée que des instants […] Telle est la plus frappante des deux illusions que nous voulons examiner. Elle consiste à croire qu’on pourra penser l’instable par l’intermédiaire du stable, le mouvant par l’immobile ». En d’autres termes, Bergson estime que l’image filmée ne peut pas saisir le mouvement réel de la vie. Par nature insécable, celui-ci n’a jamais lieu à tel ou tel moment, mais sera toujours dans l’interstice entre deux instants, perpétuel et élancé.

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Guy Roux ou la fin d’une époque

Mon premier article de presse écrite, publié à l’occasion d’un stage au magazine Marianne en juin 2005

L’histoire de Guy Roux, historique entraîneur de l’AJ Auxerre, c’est celle d’un temps révolu où le football n’avait pas encore basculé dans le foot business. L’aventure d’un joueur modeste devenu entraîneur, et qui amena une petite équipe régionale,l’AJ Auxerre, à l’échelon européen. La veille du premier match, en 1961, cet homme aux coups de gueule aussi célèbres que les envolées verbales (parfois hasardeuses) de Thierry Roland ira jusqu’à s’opposer au comité directeur de son club pour obtenir une totale liberté dans la composition de l’équipe. Le seul maître à bord, ce sera lui. Et pas question d’investir des sommes astronomiques pour s’offrir un joueur, comme il est de règle aujourd’hui. Guy Roux a recruté les futurs Cantona, Boli ou Ferreri, dans les petits clubs, et il les a formés à Auxerre, soignant ainsi une tradition de formation qui reste malgré tout l’originalité du foot français.
Certes, Guy Roux n’a pas toujours résisté aux sirènes publicitaires et médiatiques. Mais tel est le paradoxe de cet entraîneur hors normes, inflexible et critique à l’égard des dérives du football.

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