Le Spasfon, un placebo sexiste ?

C’est un des médicaments les plus populaires un France. Un mal de ventre, des règles douloureuses ? Prenez deux comprimés de Spasfon ! Pourtant, son efficacité clinique n’est pas démontrée, elle a même de fortes chances d’être nulle, démontre la philosophe Juliette Ferry-Danini.

Distribué dans une poignée de pays, ce médicament ne bénéficie pas d’évaluation clinique probante, les rares études étant entachées d’erreurs méthodologiques, de conflits d’intérêts, ou concluant à l’absence d’effet autre que placebo.

L’autrice détaille au passage comment sont évalués les traitements médicamenteux, pourquoi les essais dits « contrôlés randomisés » sont considérés comme les plus fiables, et en quoi consiste la « médecine fondée sur des données probantes ». En contrepoint, elle retrace « l’histoire pas toute rose » du Spasfon.

Sexisme et mythe du spasme

C’est un travail de recherche à part entière : J. Ferry-Danini s’est plongée dans les archives de journaux scientifiques, de l’Agence nationale de sécurité du médicament, et dans les comptes rendus de laboratoires pharmaceutiques. Verdict : non seulement les promoteurs du Spasfon paraissent conscients de son inefficacité dès les années 1960, mais les vertus antispasmodiques qu’ils lui prêtent s’inscrivent dans un imaginaire sexiste. Le mythe du « spasme » dont souffriraient les femmes, au moment des menstruations notamment, serait l’héritier des « crises d’hystérie » diagnostiquées au 19e siècle.

De manière générale, l’autrice dénonce la prescription de placebos et de thérapies douteuses : leurs bénéfices sont souvent surestimés, et leurs effets néfastes plus nombreux qu’on l’imagine… La philosophe encourage donc à lutter contre « l’ignorance en médecine » dont souffrent trop souvent les patients – et surtout les patientes en l’occurrence.

Pilules roses. De l’ignorance en médecine, Juliette Ferry-Danini, Stock, 2023, 250 p., 19,50 €.

Cette recension est parue dans Sciences Humaines (n° 364 – Décembre 2023 – Janvier 2024).