Depuis sa sortie au cinéma début avril, le film américano-japonais consacré à Super Mario Bros bat tous les records : il passe le cap du milliard de dollars de recettes en seulement trois semaines, et reste pour l’instant le film le plus vu de l’année. En France aussi, plus de six millions de petits et grands ont envahi les cinémas, en famille, en couple, entre amis… Comment expliquer un tel succès, alors que Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan, de Martin Bourboulon était également à l’affiche ?
Les icônes comme Mario ou les Pokémon touchent un public plus large que les stars de cinéma et les groupes de pop. Le jeu vidéo est la première industrie culturelle au monde, avec des recettes estimées entre 180 et 300 milliards de dollars en 2022 – loin devant le cinéma et la musique réunis. C’est aussi un loisir plus répandu qu’on l’imagine. Environ deux Françaises et Français sur trois jouent « au moins occasionnellement », selon le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs.
Plus diversifié qu’on ne l’imagine
Si ces chiffres semblent en décalage avec la réalité, c’est que notre représentation des pratiques vidéoludiques est faussée, explique un collectif d’universitaires au terme d’une enquête sur « les jeux vidéo au quotidien ». À l’image de la lecture, qui ne se réduit pas à celle d’un roman au coin du feu, le jeu vidéo n’est pas l’apanage d’ados en tailleur devant un écran de télé, manette en main. La majorité des pratiquants sont des adultes jouant sur smartphone, dans une salle d’attente ou les transports, par exemple. Par ailleurs, beaucoup de jeunes pratiquent peu eux-mêmes, mais regardent des parties ou des compétitions en vidéo sur Internet.

Autrement dit, le jeu vidéo est un loisir protéiforme et banalisé. Les études sur le sujet ont longtemps peiné à le voir, en raison d’un « biais scolastique » décrit par Pierre Bourdieu dans ses Méditations pascaliennes (1997) : « C’est-à-dire, expliquent les auteurs, la situation dans laquelle le modèle théorique de la pratique, construit à partir d’une lecture lettrée, est pris pour la pratique elle-même, faute d’enquête. » Concrètement, un cliché a été pris pour point de départ de nombreuses recherches, occultant ainsi une réalité plus complexe et nuancée… En soulignant au contraire « le caractère ordinaire et modulable de ces pratiques », dans le quotidien de millions de personnes, cette enquête montre que le jeu vidéo devient – plus qu’un loisir, un sport ou même un art – une véritable culture.
Cette chronique est parue dans Sciences Humaines. À lire pour aller plus loin : La Fin du game ? Les jeux vidéo au quotidien, collectif (Presses universitaires François-Rabelais, 2021).
