L’Odyssée des gènes

16026666410_odyssee-des-genes-2L’ADN est une formidable machine à voyager dans le temps. En comparant les génomes de populations humaines, d’autres grands singes et de fossiles, il est possible de retracer les chemins empruntés par notre espèce depuis sa séparation d’avec les chimpanzés jusqu’aux migrations et évolutions d’aujourd’hui. C’est le point de départ de l’anthropologie génétique, discipline née dans la seconde moitié du 20e siècle, alliant génie génétique, calculs statistiques, paléoanthropologie, histoire et linguistique.

Professeure au Muséum national d’histoire naturelle, Evelyne Heyer en présente les principaux acquis, les méthodes de travail et les projets de recherche actuels, dans un essai clair, pédagogique et vivant. Les grands consensus sur l’évolution humaine y sont rappelés : origine commune en Afrique, colonisation de la planète par vagues successives, croisements entre différentes espèces d’hominidés. Mais l’ouvrage recèle aussi quelques surprises. On y apprend, par exemple, qu’Homo sapiens n’a pas brusquement quitté l’Afrique pour partir à la découverte d’horizons inconnus, suivant une image consacrée, mais que plus probablement des milliers de générations se sont établies à 3 km en moyenne de leur lieu de naissance, colonisant progressivement et lentement la planète. On apprend aussi que 10 % des hommes habitant sur le territoire de l’ancien empire mongol pourraient descendre de Gengis Khan, réputé pour avoir eu un grand nombre d’épouses et d’enfants. On lit également que toute personne ayant certains de ses grands-parents nés en France retrouverait à coup sûr Charlemagne dans son arbre généalogique.

Scrupuleuse et prudente, E. Heyer met aussi en garde contre les conceptions erronées du déterminisme génétique,  aujourd’hui portées par de nouveaux adeptes du racisme scientifique, ou parfois promues par des entreprises de séquençage pour vendre des généalogies fumeuses. Une lecture salutaire, donc, en plus d’être captivante.

L’Odyssée des gènes, Evelyne Heyer, Flammarion, 2020, 388 p., 22,90 €. Cet article est paru dans Sciences Humaines (n° 330, novembre 2020). Rendez-vous sur le site pour d’autres critiques d’essai

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