Jadis assimilé à de la science-fiction, le transhumanisme fait régulièrement la couverture des magazines depuis quelques années. Les progrès en génétique, en informatique, en robotique donnent à penser que l’humanité aura la possibilité d’améliorer sa condition biologique comme jamais auparavant, voire de se transformer en une autre espèce, comme le souhaitent certains transhumanistes radicaux. Cette perspective a suscité une flopée d’essais alarmistes trop souvent mal informés, laissant toutefois une place à quelques perles, comme cet ouvrage collectif.
Tendances multiples
Cet état des lieux savant et tempéré, écrit pour le plus grand nombre, réunit les analyses de chercheurs en sciences sociales et de philosophes, spécialistes de cette mouvance comme de questions éthiques et politiques connexes. Si le transhumanisme paraît renvoyer aux sempiternelles tentatives de l’humanité pour s’émanciper de contraintes biologiques et échapper à la mort, la diversité des courants s’en réclamant remet en question son unité : qu’y a-t-il de commun entre les partisans raisonnés du progrès biotechnologique et médical et les militants eugénistes, par exemple ? L’ouvrage identifie une pluralité de sources d’inspiration et de tendances, avant de les opposer au fil de ces contributions d’auteurs tantôt bienveillants tantôt méfiants à l’égard du transhumanisme.
Espoir ou idéologie ?
La question de la technique est centrale : l’humanité serait-elle en train de s’émanciper grâce à ces progrès, ou met-elle chaque jour davantage sa constitution intime sous le contrôle de procédés biotechnologiques teintés d’idéologies dangereuses ? Ne poursuit-elle pas dans tous les cas des fantasmes insaisissables ? Le pluralisme inscrit dans cet ouvrage permettra au lecteur de se faire une opinion. On regrettera tout au plus l’absence d’un contributeur radicalement libertarien, une mouvance bien représentée au sein du transhumanisme.
Généalogies et nature du transhumanisme, Franck Damour, Stanislas Deprez, David Doat (dir.), Liber, 2018, 200 p., 22 €. Cette critique est parue dans Sciences Humaines (n° 311, février 2019)