Se parler dans sa tête n’a rien d’uniforme ou d’universel, explique cette linguiste. Les travaux sur la parole intérieure ou « endophasie » révèlent une extraordinaire diversité de façons de penser. Explications avec la linguiste Hélène Lœvenbruck, qui vient de publier Le Mystère des voix intérieures (Denoël, 2022).
Cette interview est parue dans Sciences Humaines (n° 355 – Février 2023), à découvrir en kiosque ou en ligne !
Nous passons environ un quart de notre temps à penser, à dialoguer silencieusement avec nous-mêmes, ou encore à écouter des voix qui parlent en nous. Mais quelles sont-elles et que peut-on en dire d’un point de vue scientifique ? Pas grand-chose au premier abord. Si l’on y voit qu’un décalque de la parole, il paraît difficile d’étudier sérieusement une dimension aussi intérieure et subjective du langage. Mais il y a d’autres réponses possibles, que développe le psychologue Charles Fernyhough dans ce livre.
La question est même passionnante, tant elle en soulève mille autres. Pourquoi avons-nous le sentiment de penser dix fois plus vite que nous parlons, et cette impression est-elle fondée ? Avons-nous le même accent dans notre tête qu’à l’oral ? Différentes voix peuvent-elles jouer différentes fonctions, ou même correspondre à des traits de personnalité sans que cela relève d’une pathologie ? L’auteur, directeur du projet de recherches multidisciplinaire « Hearing the voice », à l’université de Durham (Royaume-Uni), fait un point actualisé sur les études en cours. On apprend par exemple, que les sportifs professionnels ont une tendance plus marquée à se coacher et à s’engueuler eux-mêmes. Également spécialiste du développement de l’enfant, C. Fernyhough s’intéresse plus longuement au rôle des voix intérieures en situation d’apprentissage, ou lorsque l’on tente de résoudre un problème. À la croisée de la psychologie, de la philosophie et des sciences du langage, un ouvrage à méditer tout l’été.