Rapport au corps, migrations, réformisme religieux, conflits armés… La création en 2013 du groupement d’intérêt scientifique autour du Moyen-Orient et des mondes musulmans a dynamisé la recherche sur cette aire culturelle. Le point avec Mercedes Volait, directrice adjointe de ce GIS dont le 2e congrès se tient à Paris du 5 au 8 juillet. Cette interview est parue dans le Journal du CNRS.
Les révolutions arabes et les conflits actuels mettent le Moyen-Orient et les mondes musulmans au cœur de l’actualité. Selon vous, qui êtes la nouvelle directrice adjointe du groupement d’intérêt scientifique (GIS) centré sur cette « aire culturelle », quels sont les sujets de recherche les plus importants ou innovants de ces dernières années ?
Mercedes Volait : Les études sur la Turquie connaissent un essor remarquable que le projet, désormais avorté, de rapprochement avec l’Europe a certainement stimulé au départ ; elles sont actuellement confrontées à toutes les formes de violence politique que connaît le pays. Les « printemps arabes » ont évidemment suscité beaucoup d’attentes, d’interrogations et de perplexité, et conduit les chercheurs à s’intéresser de plus près à des sujets tels que l’utilisation des réseaux sociaux ou l’invention d’une contre-culture dans des régimes très autoritaires. Il est fascinant de voir, en Arabie saoudite ou en Iran par exemple, les libertés qui peuvent être prises dans l’espace privé. Parallèlement, il y a eu un vif intérêt pour les questions liées à la sexualité, à la fabrique du genre et au féminisme au Moyen-Orient. Mais l’attrait pour des sujets qui ne sont pas directement connectés à l’actualité, comme l’étude des pratiques alimentaires au Moyen Âge ou de tout ce qui touche à la langue parlée et écrite, reste fort. À la suite du bilan dressé par le GIS dans son livre blanc – rédigé entre 2013 et 2014 –, l’islamologie renaît peu à peu. Il faudra du temps, bien sûr, car c’est une discipline particulièrement exigeante : il ne suffit pas d’apprendre l’arabe, mais il faut se plonger dans l’exégèse des textes coraniques… Cela prend des années !
Comment concilier ce « temps long » de la recherche et l’incitation exercée par la société à répondre aux questions sur l’islamisme, le djihadisme ou encore la radicalisation ?
M. V. : Il y a deux attitudes : certains chercheurs sont plus enclins à aborder des questions d’actualité brûlante, à prendre la parole dans le débat public, à travers les médias notamment, mais ils sont minoritaires. Les autres préfèrent rester en retrait car il est souvent extrêmement difficile d’exposer une situation complexe dans le cadre médiatique. Bien sûr, il est possible d’essayer de donner un éclairage sur la crise que traverse la Turquie ou sur les élections iraniennes, par exemple. Mais il faudrait pouvoir exposer d’abord quelques bases avant d’entrer dans le vif du sujet, et ce n’est pas toujours évident dans l’espace médiatique. Lire la suite