Professeure en sciences de l’éducation et présidente de l’Observatoire international de la violence à l’école, Catherine Blaya pilote une grande enquête sur la propagande et la violence en ligne, afin de mieux comprendre leurs effets sur les jeunes. Cette interview est parue sur Le Journal du CNRS.
Des études ont-elles déjà mesuré l’impact des contenus haineux sur Internet ?
Catherine Blaya : Plusieurs travaux ont montré que les jeunes y étaient de plus en plus exposés. Le rapport européen « Net Child Go Mobile » pointe une forte augmentation de toute une série de pratiques entre 2010 et 2014 : insulte ou harcèlement en ligne, exposition à des images violentes, à des messages haineux ou discriminatoires. Une autre étude finlandaise a récemment révélé que 67 % des internautes avaient été exposés à des contenus haineux en ligne, liés au physique, à l’identité sexuelle, à la religion ou encore la couleur de peau. En revanche, il n’y a pas vraiment eu d’enquête sur l’impact de ces contenus sur les jeunes : comment le vivent-ils ? Cela les conduit-il à cautionner ce type de messages, voire à adhérer à ou adopter des idées ou des comportements violents ? C’est ce que nous souhaitons vérifier, préciser ou nuancer, suite à l’appel à projet « Attentats-recherche » du CNRS. Pour cela, nous conduisons une large enquête sur les 11-18 ans, en ciblant spécifiquement ce qui relève du racisme, de l’antisémitisme, de l’islamophobie et de la xénophobie.
Mais un tel processus, qu’on pourrait dire « de radicalisation en ligne », n’est-il pas clairement établi ?
C. B. : Notre recherche ne s’intéresse pas exactement à la radicalisation, mais à l’implication des jeunes dans la cyber-haine et à ses conséquences en termes d’adhésion à des idées ou attitudes violentes, voire extrémistes. La « radicalisation » est un concept flou, multiforme, qui n’est pas défini de façon précise, et un lien avec la prolifération de contenus haineux en ligne n’est pas non plus scientifiquement prouvé. Lire la suite