Archives de Tag: anthropologie

« Apprendre, c’est aussi acquérir une intelligence du geste »

Pour expliquer l’évolution de l’espèce humaine, assure le psychologue François Osiurak, il ne suffit pas de dire que les individus se sont copiés les uns les autres sans rien comprendre à ce qu’ils faisaient. Leurs dispositions cognitives ont nécessairement joué un rôle.

Cette interview est parue sur Cortex Mag, site du LabEx Cortex, dédié aux fondements biologiques de la cognition.

Pourquoi l’espèce humaine est-elle la seule à avoir développé une culture technologique aussi poussée ? Et comment est-elle parvenue à transmettre ces connaissances au fil des générations ? Ces questions, à la croisée de l’anthropologie, des sciences cognitives et de la philosophie, taraudent les chercheurs depuis longtemps. L’hypothèse la plus répandue pour y répondre est que cette évolution a été rendue possible par les capacités d’imitation de l’être humain. Reproduire fidèlement un geste technique même sans comprendre les principes qui le sous-tendent suffirait à en assurer la transmission. Même s’il lui reconnaît des mérites, François Osiurak, spécialiste de psychologie et de sciences cognitives, ne la trouve pas satisfaisante, comme il l’expliquait déjà à Cortex Mag en 2016. Pour lui, il ne peut y avoir d’apprentissage sans une intelligence du geste. Ses derniers travaux renforcent cette hypothèse.

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« La musique ouvre sur tous les univers de culture »

La sixième édition du festival Haizebegi, consacré aux « mondes de la musique » et aux sciences sociales, s’ouvre aujourd’hui à Bayonne. Pour son directeur, l’anthropologue Denis Laborde, l’étude des œuvres et des façons de faire de la musique offre un éclairage crucial sur les rapports sociaux. Cette interview est parue sur Le Journal du CNRS.

À Bayonne en 2017, la fondation Tumac est l’invitée d’honneur du festival Haizebegi. En Colombie, elle œuvre à la socialisation des enfants en utilisant la musique et la facture instrumentale, la danse et la couture, comme armes face aux guérillas. ©Martine Laborde

Vous avez créé en 2014 à Bayonne un centre de recherche sur les musiques du monde (ARI) et le festival Haizebegi, qui mélange musique et recherche. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce festival ?
Denis Laborde (1) : En langue basque, « haize begi » signifie « regard du vent ». La musique, comme le vent, ignore les frontières et porte témoignage. Elle dit quelque chose de celles et ceux qui la font, et elle constitue une magnifique porte d’entrée sur tous les univers de culture. Ce festival, que nous avons créé avec mes doctorants de l’EHESS, est unique en son genre. Il conjugue les sciences sociales (conférences, débats, colloques, publications) et la musique (concerts, films, expositions, danse).

Pour cette sixième édition, qui se déroulera jusqu’au 20 octobre, nous accueillons des musiciens syriens, cubains, argentins, kanaks, et des créateurs basques qui seront à l’honneur avec Rain of Music, un invraisemblable opéra pour robots, à la pointe des nouvelles technologies et composé dans le cadre d’un projet scientifique international (2). Nous accueillons aussi des Selk’nam et des Yagán de l’extrême sud de la Patagonie, grâce à l’ethnomusicologue Lauriane Lemasson qui leur consacre sa thèse. Lire la suite

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La petite ceinture de Paris, un monde à part

Autour de Paris, existe une ancienne voie de chemin de fer, la «petite ceinture», laissée en friche mais fréquentée par de nombreux promeneurs. L’anthropologue Julie Scapino a étudié cet espace si particulier qui, recolonisé par la faune et la flore, accueille une étonnante biodiversité. Cet article est paru sur Le Journal du CNRS.

L’ancienne ligne de la petite ceinture couvre 32 kilomètres tout autour de Paris, intra-muros. © J. SCAPINO

 

« On pense qu’il y a des renards », glisse Julie Scapino, auteur d’une thèse sur la reconquête de la petite ceinture de Paris. Dans cette ligne de chemin de fer, construite autour de la capitale au XIXe siècle et aujourd’hui largement fermée à la circulation comme au public, fouines, hérissons et lézards des murailles ont reconquis un espace laissé en friche. Des plantes exotiques ou invasives, comme le robinier faux acacia et l’ailante, émaillent des tapis de verdure traversés par les rails… et quelques promeneurs. Car les clôtures n’empêchent pas les Parisiens d’enjamber les interdits pour quitter l’agitation urbaine – à l’instar des amateurs de virée dans les catacombes. « Il s’agit d’un espace à part, très différent d’un parc aménagé ou d’un bois aux abords de la ville, insiste Julie Scapino, qui travaille actuellement au Laboratoire dynamiques sociales et recomposition des espaces (LADYSS). C’est un terrain privilégié pour interroger le rapport des citadins à la biodiversité, et l’idée d’une cohabitation avec un environnement plus sauvage. »
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François Osiurak, neuropsychologue en quête du propre de l’homme

Spécialiste de l’utilisation d’outils chez les hominidés, ce neuropsychologue amateur d’« anthropologie cognitive » critique l’idée que l’intelligence et le sens pratique soient radicalement distincts : une “rationalité technique” serait toujours à l’œuvre dans les gestes utilitaires.

Francois-Osiurak

Ce portrait est paru sur cortex-mag.net

Les recherches de François Osiurak, maître de conférence à Lyon II, pourraient s’inspirer d’une scène culte de 2001, L’Odyssée de l’espace, le film de Stanley Kubrick : en pleine préhistoire, un grand singe trouve un os par terre et l’utilise pour frapper des objets au hasard, comme s’il avait un marteau en main, tandis qu’une musique épique monte en toile de fond. Ce crescendo de Richard Strauss – dédié à l’aube de l’humanité – souligne la dimension extraordinaire d’une scène qui paraîtrait banale autrement ; car en manipulant pour la première fois un outil, ce primate est en train de devenir un homme. Tout un symbole qui taraude François Osiurak dans ses recherches. Que s’est-il passé concrètement ? Comment nos ancêtres ont-ils eu l’idée d’utiliser des maillets, des lames tranchantes ou des cales ? Et dans quelle mesure l’utilisation d’outils est-elle le propre de l’homme, à l’instar du rire ou du langage ? « Je travaille sur les aspects neuropsychologiques et cognitifs, confie le chercheur, mais c’est l’anthropologie et la recherche fondamentale qui m’intéressent le plus. »

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Un lancer de géant pour l’humanité

Vintage base ball - ©mtstradling sur Flickr

Vintage base ball – ©mtstradling sur Flickr

Qu’est-ce qui distingue l’homme des grands singes ? Le base-ball ! Tandis qu’un bon lanceur peut atteindre une vitesse de 160 km/h, nos cousins primates sont incapables de dépasser les 30 km/h – ils font moins bien qu’un enfant de 12 ans ! – bien qu’ils soient plus forts et athlétiques sur tous les autres plans.
La raison est morphologique : nous n’avons pas les mêmes épaules. L’homme peut armer son lancer en orientant son corps vers l’extérieur, tandis que les grands singes restent face à leur cible et n’emmagasinent
aucune puissance.

Selon l’anthropologue Neil Roach, qui vient d’étudier les postures d’une vingtaine d’athlètes pour l’université de Washington, cette différence serait apparue il y a deux millions d’années et se révèle loin d’être anodine.
C’est peut-être grâce à cela que les premiers hommes bipèdes – Homo erectus – ont survécu dans la savane africaine. À l’époque, ils n’ont pas encore inventé les outils ni la lance. Le fait de pouvoir jeter des cailloux avec force et précision les aurait aidés à tuer des prédateurs voire du gros gibier en toute sécurité. « Cela a probablement joué un rôle déterminant dans l’apparition de la chasse », renchérit N. Roach.

De fait, Homo erectus serait l’un des premiers hominidés 
à avoir mangé de la viande, tandis que son prédécesseur – l’australopithèque – se contentait essentiellement de plantes et d’herbes. Or le fait de consommer des protéines animales a eu un impact fondamental sur le développement du cerveau et de l’intelligence. Lire la suite

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