La nature en mode garce

Cette recension est parue dans la sélection des « livres de l’été » du magazine Sciences Humaines (n° 380, juillet août 2025)

Et si ce qu’on croyait savoir sur le « sexe faible » était faux ? Dans cet ouvrage, la zoologue Lucy Cooke dynamite des siècles de préjugés scientifiques. Sous son titre provocant – une bitch est une « garce » voire une « putain » en anglais – se cache un plaidoyer aussi érudit qu’irrévérencieux sur le comportement des femelles dans le monde animal. Avec humour et pédagogie, l’autrice nous embarque dans une arche de Noé stupéfiante.

On y croise des hyènes dotées d’un clitoris proéminent de vingt centimètres, dominantes et redoutées ; des topis (sorte d’antilopes) s’affrontant à coups de cornes pour séduire un mâle, et des bonobos scellant des alliances lesbiennes pour renverser l’autorité d’un mâle.

Ni chastes ni soumises, les femelles de nombreuses espèces s’avèrent polygames, sexuellement entreprenantes, et le matriarcat est fréquent. Ces cas n’étaient pas inconnus des observateurs, mais souvent relativisés par des hommes réfractaires à l’idée d’une agentivité sexuelle des femelles.

Les premières chercheuses à s’y être intéressées – comme Sarah Hrdy, Jeanne Altmann, Patricia Gowat – ont été moquées. Lucy Cooke elle-même a d’abord douté. Autrefois disciple du biologiste Richard Dawkins, elle adhérait alors à une vision machiste : elle professait qu’en raison de la taille inégale des gamètes (spermatozoïdes ou ovules), les mâles sont poussés à s’accoupler avec le plus de partenaires possible, tandis que les femelles se montrent naturellement passives, prudentes et maternelles.

Ce schéma est fallacieux, dénonce désormais la chercheuse. Chez Dawkins, comme chez Darwin un siècle plus tôt, ce genre de théorie reflèterait moins la réalité des faits que les préjugés de leurs auteurs. Lucy Cooke plaide en conséquence pour assumer une science plus féministe pour libérer la recherche biologique de ses œillères sexistes.