Après Cantona, « la banque du peuple »

L’appel d’Éric Cantona et du collectif « Sauvons les riches » rappelle la démarche du philosophe Joseph Proudhon à la fin du XIXe siècle.

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CC / Alexandre Lataste

 

À défaut de faire tomber les banques, moralisons les. C’est le message qui se dégage après l’appel d’Éric Cantona à retirer l’argent des banques pour protester contre le système financier. Cette révolution silencieuse n’a pas pris, mais le collectif « Sauvons les riches » revient à la charge et invite tous les Européens à changer de banque. Un site internet dédié vient d’être créé pour transférer son argent dans un établissement plus éthique, la Banque postale, le Crédit coopératif et la Nouvelle économie fraternelle (NEF) bénéficiant au passage d’un joli coup de pub.

Qu’est-ce qu’une banque éthique ? « Nous préférons que nos économies soient gérées par des banques qui investissent l’épargne localement, ne participent pas au casino financier, refusent d’être présentes dans les paradis fiscaux et de verser des bonus indécents », dénonce le collectif. Interrogé par L’Expansion, l’un des auteurs, Julien Bayou, nuance : « Aucune banque n’est parfaite et changer d’établissement n’est pas la panacée, mais c’est un geste que chacun peut faire. C’est un début, car cela ne suffit pas ».

En 1849, un philosophe doublé d’un économiste est allé plus loin : Pierre-Joseph Proudhon crée la « Banque du peuple » à Paris. Anarchiste proclamé, il entend restituer aux populations leur pouvoir en privant le capital des revenus du travail. Concrètement, « le peuple devait devenir son propre banquier », résume l’historien Olivier Chaïbi dans son dernier essai. À cet effet, Proudhon et ses collaborateurs mettent en place des crédits gratuits, émettent leurs propres bons de consommation et généralisent des lettres de change spécifiques — tout un système économique alternatif. Dans la foulée de la révolution de 1848, Proudhon avait d’ailleurs dénoncé « l’emploi exclusif de l’or et de l’argent comme instruments d’échange » à l’Assemblée nationale constituante : « L’égalité entre la production et la consommation, en autres termes la garantie du travail, est incompatible avec la royauté de l’argent et l’aristocratie des capitaux ».

Malheureusement pour ses fondateurs enthousiastes, la banque du peuple s’effondre au bout de quelques semaines à peine. Et à plus long terme, les idéaux de la social démocratie auront damé le pion à ceux de la gauche révolutionnaire, comme le montre la Généreuse généalogie du dossier que Philosophie magazine (n° 36) a consacré au socialisme. Pour cette raison peut-être, le collectif « Sauvons les riches » défend une position plus modérée : « Comme l’idée du bankrun [une panique bancaire] cette transition collective pose clairement la question de la reprise en main de la finance. Mais contrairement au bankrun elle ne vise pas à l’effondrement du système dont on ne voit pas à très bien à qui il profiterait. » D’autres moyens au service d’une aspiration similaire en somme.

Plus sur le web :

Le site de La société Pierre-Joseph Proudhon

Sur « Prospérité et Partage », l’article À travers la Banque du Peuple de P.J. Proudhon

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